Des jumeaux vrais ne sont qu'un seul être dont la monstruosité est d'occuper deux places différentes dans l'espace
Il est presque vingt-trois heures. Je pose mon téléphone portable et remonte la couette sous mon menton avec un petit soupir d'aise. Finalement, ce site idiot n'est pas si mal ; il me permet de m'occuper avant de dormir.C'est quand même plus amusant que Candy Crush. Il n'empêche que je me sens légèrement intriguée par tout cela ; j'ai complété mon profil avec soin mais non sans une certaine ironie faite pour décourager les gens. Je ne souhaite pas que l'on me parle, je me moque bien des états d'âme des autres. Je suis déjà fiancée, pourquoi irai-je voir ailleurs alors que j'ai déjà tout ? Ce serait comme... Vouloir faire un tour de Clio alors qu'on a une Maserati au garage. Stupide et sans fondement. Malgré tout, c'est plutôt amusant de regarder les profils des gens ; j'en viens à découvrir des gens que je n'avais jamais croisés à Vérone. Encore un peu de recherche et je finirai par tomber sur la voisine du dessus, cinquante-neuf ans, huit chats, souffrant d'énurésie nocturne.
Je me tourne sur le côté et ainsi enroulée dans la couette, je me sens bien. Protégée. Et puis Lazaros doit venir, alors tout va très bien. C'est quand même un peu vache de ma part de l'inviter à la maison quand je suis seule, mais j'ai mes raisons. Je n'ai pas enviequ'il rencontre celui qui partage ma vie -pas encore du moins. Je suis déjà un peu sous pression, ne serait-ce parce que je vois trop mon frère... Aucun désir de confronter les deux hommes, et surtout pas en pleine nuit. Alors que je ferme les yeux et plonge dans un état second, j'entends les clés qui tournent dans la serrure. Lazaros est déjà venu chez moi, il saura trouver tout seul le chemin vers la chambre. A moins qu'il ne trouve plus l'interrupteur et là, bon courage pour avancer dans l'entrée sans se fracturer un orteil...
« Si l’amour est un temple, toi tu seras ma religion. »
Anteia Aggelos feat. Lázaros Aggelos
Parfois, j'ai eu l'idée que l'amitié était un lien aussi fort que celui de la communauté des jumeaux. Une similitude frappante des penchants, des sympathies, des goûts, de la culture générale et des passions lie deux êtres à un destin identique. En vain l'un entreprendra-t-il quoi que ce soit contre l'autre ; leur sort restera indissoluble.
La nuit est déjà là et même-si t'es supposé étudier quelques affaires juridiques, il n'en est rien. Au lieu de ça, t'as passé ta soirée à compter les heures, à manger quelques restes d'un plat cuisiné par l'une de tes colocataires avant de finir par vadrouiller sur /LOVE. Une belle absurdité, une de celle qui t'as légèrement agacé avant de devenir l'une de tes principales sources de distraction. L'idée en elle même n'est qu'une énième ruse pour propulser le tourisme de la ville , mais le site en lui-même a fini par devenir une précieuse source d'amusement. Tu jongles d'un profil à l'autre , t'amuses à balancer des messages parfois peu glorifiants tout en tombant sur quelques visages familiers. Et ça, c'est probablement le plus amusant. Parce qu'au sein de cette idiotie figurent de belles âneries. Parfois même, la lecture des profils te fait découvrir de nouvelles personnes. C'est dire à quel point ceux-ci sont conformes à la réalité. Un complexe d'infériorité, un mal-être inavoué, ou peut-être même une vision faussée d'eux-même. T'en sais rien, mais toi, ça t'fait bien marrer de voir à quel point les choses ne sont pas fidèles à la réalité. Même les photos différent parfois. Un site de faux-semblants et d'apparences , tout ce qui te fou la nausée. Toi, t'es pas de ce genre là. Et c'est probablement pour cette raison-ci que tes réponses ne sont guère trés attractives au sein de ce site. Même l'assistant personnalisé de /LOVE a prit la fuite. T'as répondu tel que tu es , tel que toi vois les choses, sans réellement te soucier des réponses qui auraient pu contribuer à attirer certaines pimbêches. Et même si t'en as parfaitement conscience, tu t'en moque. Toi, t'as autre chose à faire que de t'attarder sur /LOVE et ces profils complétements illusoires. Au lieu d'ça, tu quittes le site pour la réalité.
Anteia t'attends. Et même si t'avais annoncé arrivé plus-ou-moins rapidement , les heures se sont écoulées bien plus vites que tu ne l'avais prévu. Une mauvaise maîtrise du temps, une temporalité soudainement emportée et toi, toujours en retard. Alors, forcément, quand tu daignes arriver jusqu'à elle l'obscurité de la nuit semble avoir prit domicile au sein même de son domicile. Aucune lumière n'est présente, si ce n'est celle de ton propre cellulaire. Et au risque d'interrompre le sommeil de ta jumelle, tu t'abstiens d'appuyer sur un quelconque interrupteur pour suivre le filet de lumière offert par ton portable. C'est toujours mieux, toujours plus prévoyant que de te prendre un mur. Parce que bon, t'as beau connaître le lieux , il suffit d'un léger défaut de mémoire pour que le trajet du hall à la chambre devienne un véritable petit périple. Le temps d'une minute, d'une soixantaine de secondes pour que tes pas te conduisent à elle.
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