J'avais du mal à émerger. Il me fallait quelques temps avant de comprendre que c'était mon téléphone qui vibrait sur la table de chevet. La chambre était plongée dans le noir et je n'avais aucune envie de bouger. J'avais été malade une partie de la nuit et j'avais enfin réussi à trouver le sommeil au petit matin.... J'allais laisser Morphée me reprendre dans ses bras mais je me demandais également qui pouvait m'appeler à cette heure. Parce que j'imaginais qu'il était très tard ou alors très tôt sur le matin. Je finissais par sortir un bras de dessous le drap. Je venais prendre en main le téléphone. La lumière de l'écran raviva mon mal de crane. C'était un message d'Eros. Apparemment, il était mal. Il s'était encore bagarré et il me demandait de venir le chercher... il abusait. Je regardais l'heure, presque quatre heures du matin. Cela faisait à peine deux heures que je dormais. Je soupirais avant de reposer ma tête sur l'oreiller. Puis quelques secondes plus tard, j'annonçais à Eros que je venais le chercher. Il me donna l'adresse du lieu où je devais le prendre. Si Luciano apprenait ça, il allait encore péter un câble. Je quittais mon lit avec du mal avant de m'asseoir sur le bord du matelas. J'avais allumé la lumière de ma lampe de chevet. Je prenais un élastique et je venais attacher négligemment mes longs cheveux en une queue de cheval. Puis je me levais et je me dirigeais vers une commode. J'en tirais un jean et un top  large. Je les enfilais. Je ne voulais pas réveiller les autres et trop attirer l'attention alors j'essayais de ne pas faire trop de bruit. Je m'habillais rapidement. Je commençais peu à peu à me réveiller. Je prenais mon sac avec ma carte d'identité et mon permis puis je me glissais hors de la chambre. La maison était endormie et c'était tant mieux. Ce n'est qu'en descendant que je me rendais compte que je devrais plutôt prendre un taxi. Mais à vrai dire, je n'avais pas trop le temps. Je n'aimais pas savoir qu'Eros était là dehors, mal en point et risquait de se bagarrer une seconde fois. Alors tant pis, je décidais d'emprunter la voiture de Lucky. Comme elle était dans la rue, mon départ n'allait pas s'entendre et c'était tant mieux. Je quittais le Borgo. Il ne me fallait pas longtemps avant d'arriver au lieu que m'avait indiqué mon frère. Je garais la voiture et je descendais de celle-ci. Je ne pouvais pas avancer davantage parce qu'il y avait une rue piétonne et les voitures y étaient interdites. Je marchais un instant avant de voir la silhouette familière d'Eros devant une façon, penchée en avant. Une boule de nervosité me noua l'estomac en voyant ça. Je m'avançais vers lui. « Eros ? » J'espérais qu'il n'avait rien de cassé. Mais je voyais déjà le sang sur son visage quand il le redressa pour me regarder. Dans quelle histoire s'était-il encore fourré ?

J'avais essayé de ne pas perdre trop de temps pour venir jusque là. Je ne savais jamais comment j'allais trouver Eros. Et à chaque fois, j'appréhendais, jusqu'à ce que je puisse voir son visage et m'assurer qu'il allait aussi bien qu'il pouvait l'être. Et c'était la même chose cette nuit-là. Alors que mes pas m'amenaient vers lui, je sentais mon cœur battre la chamade, à tel point que j'avais l'impression de l'entendre. A voir son visage, je comprenais qu'il avait du faire un nouveau combat clandestin. Je détestais quand il faisait ça. Quand il mettait sa santé en jeu. Un mauvais coup était si vite arrivé. Et je me sentirai responsable si cela arrivait. Parce que je lui avais déjà demandé d'arrêter mais je savais qu'il continuait à en faire. Et cela, n'avait pas vraiment avoir avec de l'argent. Je connaissais Eros, assez pour savoir que c'était tout autre chose qui l'animait, que l'envie de se remplir les poches. Et contre ça, je ne pouvais rien y faire. J'aimerai qu'il change. Mais je sais que la mort de Tiago l'a anéanti. Je pensais qu'il avait besoin de temps pour relever la tête. Seulement, cela fait trois ans maintenant. A ses mots, je l'observais tout en m'approchant de lui. « Oui tu peux me remercier, j'aurais pu tout dire à Luciano. » Non en fait, il savait que je n'aurais rien dit. C'était bien pour ça que j'étais celle qu'il appelait à chaque fois qu'il passait une mauvaise fin de soirée. Ce soir, il était salement amoché. Les coups au visage étaient toujours les plus sanglants. J'avais des palpitations rien qu'à le voir. « Lève-toi. Il faut soigner tout ça. » Il y avait une trousse de secours dans la voiture de notre aîné. Je savais donc que j'allais pouvoir trouver de quoi le soigner sans problème. Je l'aidais à venir jusqu'à la voiture. Je ne lui faisais pas de reproche, pas de leçon de moral. C'était inutile. Il savait très bien ce que je pensais de tout ça. Et puis si les reproches pouvaient le faire changer et le faire arrêter ces conneries, cela ferait déjà une éternité qu'il serait revenu dans le droit chemin comme disait maman. Oui j'étais aussi certaine qu'Eros n'avait pas besoin de ça. Alors je restais silencieuse. La voiture était garée sur une petite place pièce piétonne, au calme. Je le laissais s'asseoir sur la banquette arrière tandis que j'ouvrais le coffre pour prendre de quoi le soigner. Si on mettait du sang dans la voiture de Luciano, on allait passer un sale quart d'heure. Je prenais un coton et un désinfectant et je venais m'occuper de son arcade sourcilière. J'espérais qu'il n'allait pas avoir besoin de points de suture.

Oui il était certain que Luciano n'allait passé à côté de son visage blessé. Ou alors c'est qu'il avait un sacré problème de vision. « Il va se dire simplement que tu vas finir par te faire tuer si tu continues à utiliser tes points comme tu le fais. Et il n'aura pas tort. » Pourquoi, est-ce qu'il pouvait trouver un quelconque bientôt à se faire taper dessus ? J'avais peur qu'il finisse par avoir un mauvais coup. C'est ce qui me faisait le plus peur je crois. Il pouvait se défouler mais j'avais peur des conséquences. Peur qu'il ne se relève pas. Eros faisait peur à tout le monde, enfin surtout à moi puisque j'étais la seule à être au courant de tout ça. Je n'avais rien dit. Parce que Eros me  l'avait demandé et parce que ce n'était pas à moi de le dire. Je l'observais alors qu'il s'installait sur la banquette arrière. A la question de mon frère, je posais mes yeux sur lui. Un fin sourire s'afficha sur mes lèvres. « Il n'a pas besoin de le savoir si on revient avant sept heures. » Et c'était mon intention. Luciano partait à cette heure pour le boulot alors on avait une petite marge devant nous. Ce n'était pas la première fois que j'empruntais la voiture de notre aîné. Mais d'habitude, je lui demandais, sauf que là. C'étaient des circonstances exceptionnelles. Et je me disais qu'il était peut-être temps de l'acheter une voiture. Seulement, je n'avais pas encore les moyens. Et puis je me demandais si finalement, j'allais m'en servir souvent. Je tapotais l'arcade d'Eros en repensant à tout ça. Puis à ses mots, je m'arrêtais dans mon geste. « Je sais... je sais. » Je savais qu'il était mal. Et je ne pouvais pas le juger. Je ne savais pas comment je serais à sa place si la situation était inversée. Je posais mes yeux bleus sur lui avant de l'embrasser sur le front. Puis je le regardais. « On va devoir aller à l'hôpital. Tu as besoin de points de suture. » Et je ne pouvais pas lui faire. « Allez monte. » Lui demandais-je en le laissant s'installer sur le siège passager. Puis je lui demandais après avoir démarré la voiture. « Tu as mal autre part ? » Parce que j'avais remarqué ses rictus et ça ne me disait rien de bon. Et ça m'inquiétait un peu.