Qu'est-ce que l'on pouvait bien apporter pour dîner chez une fille ? Martina Amaglia marchait dans tous les sens, hystérique et joyeuse. Lorenzo avait beau lui dire que Gaïa n'était qu'une amie, la meilleure de toute, elle s'emballait. C'était trop beau pour elle, peut-être que son fils n'était pas un cas si désespéré et qu'il pourrait (re)devenir hétérosexuel, à son plus grand bonheur. Finalement, Lorenzo coupa quelques tiges de fleurs dans le jardin, avec l'autorisation de son père puis prit une boîte de chocolats, ce qui arrangeait bien ses parents compte tenu de son diabète. Il se mit en marche vers Di Milano, le quartier où résidait Gaïa, sa meilleure amie. Cela faisait un certain temps qu'ils ne s'étaient pas vus. Gaïa avait la faculté, ses cours, ses propres soucis et Lorenzo, le lycée, sa famille, sa petite sœur autiste ainsi que ses soirées dans les bars gays de Verona.

Gaïa était passée par beaucoup d'épreuves : la mort de ses parents, la mort de ses grands-parents. Il l'avait connu tout au long de ses difficiles deuils ; en réalité, la rousse et le brun se connaissaient depuis toujours. Elevés ensembles au jardin d'enfant, à l'école puis au lycée, l'année d'avance de Gaïa n'avait pas été un frein à leur amitié. Lorenzo s'efforçait d'être le plus présent pour elle, dans les coups durs comme dans les moments de joie. En retour, la jeune femme l'avait incité à faire son coming-out qu'il avait vécu comme une véritable libération. Il voulait lui raconter tant de choses ! Cette rencontre, en boîte. Sa rupture avec Idel. Les progrès de sa sœur.

Lorenzo, pas sportif pour un sous, poussa un large soupir lorsqu'il regarda d'un œil mauvais les escaliers qu'il fallait monter pour accéder à l'appartement de sa meilleure amie. En traînant des pieds, il commença son ascencion, soupirant sans cesse et s'arrêtant toutes les trois – quatre marches, essouflé. Moins sportif que lui, ça n'existait pas. Juste réfléchir, ça l'essoufflait, certains matins tant il adulait la flemmardise, la procrastination et l'art de ne rien faire : la glande. Finalement et certainement aussi rouge que les tulipes dans sa main, Lorenzo sonna à la porte du #23, attendant avec impatience de pouvoir serrer la jeune femme dans ses bras.

Voir Gaïa sourire lui réchauffait toujours le cœur parce que son sourire était sincère malgré les épreuves que la vie lui avait mis sur sa route. Comme toujours lorsqu'elle employait ce surnom ridicule, Lorenzo ronchonna comme un enfant grognon mais la serra en retour dans ses bras. Si ce geste pouvait attiser les hormones surexcitées d'autres garçons de son âge, il en était rien pour Lorenzo. Il était même certain de rester insensible devant Gaïa si elle se mettait nue devant lui bien qu'elle soit magnifique, indéniablement. Certainement une autre preuve de son homosexualité, grand désespoir de sa mère. Aussitôt Gaïa embraya sur une longue réplique et Lorenzo eut alors la confirmation que le manque avait été réciproque. Lorenzo vint mettre son nez dans le frigo tout en lui répondant. « Oh tu sais, j'ai aussi plein de trucs à te raconter et même des trucs coquins ! ». Eh oui ! Depuis le temps, Lorenzo avait franchi un grand cap dans l'histoire d'un être humain : il avait perdu sa virginité avec Idel et même qu'il avait rompu avec, entre temps. Faisant comme chez lui, Lorenzo sortit un jus de fruit, histoire d'être raisonnable à la place du soda, très mauvais pour sa pathologie. Fouinant dans le congélateur, Lorenzo sortit la pizza surgelée après avoir eu une approbation gestuelle de Gaïa. Il lu les instructions au dos, concentré, pour mettre le four à préchauffer avant de s'asseoir sur un tabouret du comptoir.

« Moi j'veux bien finir à l'hosto si j'suis pris en charge par un infirmier nu sous sa blouse », plaisanta Lorenzo. Toutefois, si cela arrivait, Gaïa finirait six pieds sous terre, assassinée par cette mère étouffante et cette dernière, en réanimation cardiaque après un infarctus. « Par contre, ma mère risque de faire une attaque » ricana Lorenzo avec pas mal de sarcasme et de colère dans la voix. Il n'arrivait pas à digérer la réaction de sa mère vis à vis de son coming out. Assumer sa sexualité, ça changeait l'attitude des autres. Lorenzo leva son verre pour trinquer avec sa meilleure amie bien qu'il n'y ait pas d'alcool et bu une première gorgée de son jus d'orange. Puis afficnant un sourire plein de fierté, il lança, de but en blanc avec un naturel presque déconcertant : « J'ai trempé mon biscuit, Gaïa ! Et avec deux mecs différents ! »