Luego, c’était un rire roque et puissant, de ceux qui indiquent toute la prestance d’une personne en un simple bruit. Luego, c’était un sourire à faire rosir une nonne, à faire fondre un glacier en hiver. Luego, il était beau et charismatique, diablement heureux. Mais, maintenant, Luego, il est brisé. Son regard n’a plus de vie, ses iris restent désespérément vides, dépourvus de cette étincelle qui brillait pourtant si fort quelques années auparavant. Luego. Il est devenu froid et distant, érigeant une barrière de glace autours de son cœur. Il ne veut plus ressentir ce vide qui lui transperce l’âme. Alors, il refuse de ressentir encore quoi que ce soit. Il éloigne les gens avec son attitude taciturne, ses remarques désobligeantes et ses regards qui feraient taire la plus pipelette des femmes. Pourtant, l’italien reste quelqu’un d’aimant. Il ne peut se retenir lorsqu’il est en face d’un enfant. Malgré toute la volonté dont il fait preuve face aux adultes, les petits êtres innocents laissent apparaître le meilleur de lui. Ne souriant que rarement, il a le visage marqué par le chagrin, la tristesse et le désespoir d’avoir perdu son âme sœur. Pourtant… Il souhaiterait tellement sortir de cette spirale, vivre à nouveau, pour honorer la promesse faite un jour, pour lui survivre dignement. Mais rien… Rien ne vient. Aucune main tendue ne semble assez digne d’intérêt pour lui.

Les Harmade, c’était la famille sicilienne typique. Un père omniprésent, un grand-père puissant et des femmes aux ordres de toutes ces énormes doses de testostérones. Né avec une cuillère en argent dans la bouche et le cul couvert par une couche en soie, Luego n’a jamais eu à se soucier de quoi que ce soit sauf d’honorer sa famille et de protéger les demoiselles de sa vie. Elevé comme l’héritier principal de la famille, il devait toujours être le meilleur, le plus fort, le plus grand. Il avait une pression tellement importante sur les épaules que la seule chose qui maintenait sa tête hors de l’eau, c’était sa maman. Elle était tellement belle, une vraie déesse, classe et gracieuse. C’était sa fierté. Luego était sa vie, son tout. Malheureuse dans son mariage, frustrée d’être reléguée au simple rang de potiche, elle vit dans la naissance de son fils, un moyen de s’épanouir.

Son enfance jusqu’à son adolescence se passèrent à Verone, il revenait sur l’île uniquement pour les vacances. L’influence de sa mère était bien présente dans la manière d’être de Luego. C’était un homme jovial et souriant, loin du caractère opiniâtre et acariâtre des hommes de la famille. Il était charismatique et délicieusement attirant. Il était magnifique, il était grand, comme un dieu grec des temps anciens. Tout lui réussissait. Il avait obtenu son diplôme avec mention et au détour d’un voyage en Europe de l’Est, il la rencontra. Cette femme si belle que le soleil en devenait pâle, dépourvu de chaleur. Elle dansait comme une déesse, elle riait à ses blagues pourries et elle n’avait pas peur de sa famille.

Tout alla très vite, deux mois après leur rencontre, il demanda sa main, elle accepta. Ils n’avaient que vingt-trois ans. Ils étaient beaux, un couple tellement bien assorti et terriblement passionné. Ils ne faisaient rien l’un sans l’autre. Là où Luego se trouvait, elle était présente. C’était parfait, les meilleures années de sa vie. Quand il y repense, il se dit qu’il aurait dû lui dire, lui avouer qu’elle était devenue sa bouée de sauvetage lorsque sa mère est décédée. Mais il ne n’a pas fait, trop pudique, Luego. Cependant, la vie tourna un peu trop rapidement. Il était en voyage en France lorsqu’on l’appela sur son téléphone, sa femme était restée à Verone à cause de sa grossesse avancée. Ce ne devait être que pour deux jours. Deux petits jours… Et puis, cet enfant, ils l’attendaient depuis si longtemps… Cinq longues années.

Lorsqu’il décrocha, il sut que quelque chose de grave venait de se produire. Sa moitié était en danger, le sicilien le sentait au fond de ses tripes. Mais il était loin du compte. Lorsque le couperet tomba, elle venait de mourir alors qu’elle tentait de donner naissance à leur enfant. Elle avait eu un accident de voiture alors qu’on l’emmenait d’urgence à la maternité, ni elle ni l’enfant n’avaient survécus. Dire que Luego avait été anéantit n’était pas assez fort pour décrire l’étant dans lequel il se trouvait depuis ce jour-là. Son monde s’était envolé avec elle et le bébé. Il n’était plus qu’une coquille vide. Alors, peu à peu, il coupa les ponts avec ce qui la reliait à elle, il changea de maison, ne donna plus de nouvelles à sa belle-famille.

L’homme se jeta à corps perdu dans le travail et dans sa nouvelle passion, la mécanique. C’était devenu son seul exutoire et même si parfois, il perdait encore son self-control, il gardait au fond de son garage un sac où il ne se gênait pas pour frapper son désespoir à l’aide de ses poings serrés. Le voilà si seul maintenant et c’était tant mieux. Cela faisait maintenant quatre ans qu’il était ainsi, désespéré et brisé. Pourtant, il suffisait d’un souffle pour que la bougie de l’espoir se réanime lentement, doucement. Pour que son âme brisée se reconstruise lentement, laborieusement. Et ce souffle, ne serait-ce pas cette jeune fille si étrange ? Comment s’appelle-t-elle ? Stellina… Petite étoile.

Type de personnage : scénario de Stellina Sorabella

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