Quel est votre meilleur souvenir ? Incontestablement, la première fois que j’ai ouvert un club de jazz. C’est un souvenir un peu amer, parce que j’aurai préféré que mon frère jumeau soit présent, mais c’était impossible. Seulement, parce que c’était ce dont il avait toujours rêvé pour moi, je chéris ce moment à jamais.

Votre plus grand rêve ? C’est triste à dire, mais hormis des chimères irréalisables (telle que l’idée impossible de récupérer ma vie), j’ai un peu perdu le goût des rêves, et des espoirs. Enfin, disons que j’adorerai pouvoir rencontrer D.D Brigdewater. Cette femme est l’un de mes role-model.

Avez-vous des peurs ou des phobies ? Depuis que j’ai perdu la vue, tout idée de contact a plutôt tendance à me gêner. J’adore toucher, étant un des sens les plus accentués chez moi, mais je crains l’inverse. Je pense que c’est surtout parce que je ne m’y attends jamais, ou presque, que ça me pose problème. Je prends tout à fait cela comme une agression.

Êtes-vous plutôt sportif(ve) ? Plus vraiment, mais après tout, je ne l’ai jamais véritablement été. Juste un petit jogging de temps en temps, pour me tenir en forme. Aujourd’hui, il m’est difficile d’imaginer refaire de telles choses.

Quel événement de votre vie vous a le plus marqué(e) ? Mon accident de voiture, certainement, qui m’a causé de perdre la vue et qui a failli me coûter l’une de mes mains. C’était stupide, de conduire en étant aussi bouleversée (mon mari venait de mourir), et j’en ai payé les frais. Mon salut fut de ne pas perdre l’usage de mes membres. Je ne sais pas ce que j’aurai fait si j’étais incapable de jouer du piano.

Pourquoi avez-vous choisi la profession que vous exercez actuellement ? J’ai toujours joué du piano, et j’ai toujours aimé le jazz, mais je n’avais jamais prévu d’en faire une carrière. C’est mon frère qui me poussa à me produire, d’abord dans des pianos-bar. Lorsqu’il est mort, j’ai tout arrêté, ou presque. Je refuse de me produire professionnellement, je ne veux pas être dans une maison de disque, ou sortir des albums. J’ai ouvert un club pour toujours être entourée de la musique que j’adore, et quelque part, j’ai l’impression d’y retrouver mon frère. C’est le seul endroit où je produis encore de la musique.

Et si vous étiez un animal ? J’aimerai être quelque chose de discret, quelque chose de simple. Le genre d’animal qu’on ne se retourne pas pour regarder, qu’on laisse tranquille. Un hérisson, peut-être.

Depuis quand êtes-vous à Vérone ? Quelques mois, tout au plus. C’est mon meilleur ami, mon barman, qui m’a proposé de changer d’air, et de quitter les Etats-Unis pour revenir en Europe. L’endroit où je vis m’importe peu, mais j’ai toujours aimé les sonorités italiennes.

Quel est, selon vous, votre plus grande qualité ? Ma tolérance, j’imagine. Je n’ai jamais été regardante quant aux gens : qu’importe vos croyances, vos habitudes, vos défauts, vos qualités. Chacun est comme il est, et je n’ai pas l’habitude de juger les gens pour ce qu’ils sont. Evidemment, cela ne veut pas dire que j’apprécie tout le monde. Aujourd’hui plus que jamais, je ne peux plus me fier aux apparences.

Et votre pire défaut ? Je fais très difficilement confiance aux autres. Avant, c’était par méfiance, maintenant, c’est par nécessité. Je ne peux plus regarder quelqu’un dans les yeux et juger de ses intentions, je ne plus déceler un mensonge. Il me faut très longtemps, pour commencer à faire confiance à quelqu’un, d’autant que je dois toujours faire confiance non seulement sentimentalement, mais aussi physiquement. Il faut que je sois sûre qu’il ne m’arrive rien.

Que pensez-vous de votre famille ? J’ai laissé mes parents depuis longtemps, de l’autre côté de l’océan. Je ne les ai ‘revus’ qu’après mon accident, lorsqu’ils m’ont ramenée à la maison, pour commencer à apprendre à vivre avec mon handicap. Aussi vite que possible, j’ai fui cette maison trop pleine de souvenirs. J’aime mes parents, mais rien n’a plus jamais été pareil après la mort de mon frère jumeau.

Que pensez-vous des rencontres sur internet ? Je n’y crois pas, mais comme mon cher barman me l’a fait remarquer, ça me rend plus égale avec les autres : je ne peux pas les voir, et initialement, eux non plus. Alors, exposés seulement au caractère de l’autre, il est peut-être plus simple de se plaire. C’est ce dont j’essaie de me persuader.

Et sinon, les réseaux sociaux, ça vous branche ? Je n’en ai pas vraiment l’utilité. Je ne suis pas particulièrement branchée nouvelles technologies, je ne le suis que par nécessité. Ma vie, c’est la musique.

Que regardez-vous en premier chez un homme/une femme ? Ah ! L’ironie. Avant, c’était ses mains, toujours. Maintenant, j’écoute. La voix d’une personne est devenue très importante pour moi. Et lorsque je peux toucher, pour ‘voir’, alors, ce sont les mains, encore et toujours.

Quelle est votre premier rendez-vous idéal ? Quelque chose d’intime, sans trop d’animations. Il est facile de me surprendre, de m’effrayer, alors je préfère être dans un environnement où je peux être consciente de tout, ou presque. Pas un repas, parce qu’il m’est difficile de manger en public. Peut-être simplement un verre de bon alcool, une cigarette, avec une musique douce en arrière-plan. Une discussion. Quelque chose de simple.

Je ne cherche pas vraiment, mais un certain quelqu’un a décidé qu’il était temps d’essayer de me rouvrir aux autres. Il faudrait absolument qu’il/elle aime le jazz, et supporte le fait que j’écoute de la musique presque chacune minute éveillée. Dans l’idéal, il faudrait quelqu’un de passionné, qui aime la beauté des choses. Quelqu’un qui ne soit pas pressé, qui sache prendre son temps. Quelqu’un de tolérant, surtout.