I wanna sing, I wanna shout I wanna scream till the words dry out

Il ne comprenait pas pourquoi ses messages étaient restés lettres mortes. Comme si Rose s'était soudainement mise à le fuir. Il n'avait plus aucun contact avec elle et, les rares nouvelles qu'il pouvait avoir d'elle, il les avait par le biais de sa famille. Les parents de la jeune femme avaient appris à apprécier Keith mais n'appuyaient toujours pas une possible relation entre lui et leur fille. De temps à autre, il laissait ses oreilles traîner près des anciennes connaissances de Rose. Le jeune homme devait avouer que cette soudaine distance lui faisait mal. Il n'avait jamais été séparé aussi longtemps d'elle et ce silence… Ce silence lui donnait envie de s'éclater les phalanges contre un mur. C'est comme s'il se retrouvait de nouveau seul, comme à ses débuts en Italie, un peu plus de dix ans auparavant. Si elle s'obstinait à l'ignorer, qu'adviendrait-il de lui ? Pourrait-il être le même homme ? Il en doutait sincèrement. Il savait que, sans sa raison de vivre, il ne serait plus rien. Plus rien. Un seul être vous manque et tout est dépeuplé…
Il savait qu'il ne pourrait pas vivre décemment en sachant qu'elle lui avait tourné le dos pour des raisons qui lui échappaient encore. Il avait beau essayé de comprendre, il n'y arrivait pas. Pourquoi s'acharnait-elle à le tourmenter ainsi ? Ses questions étaient restées sans réponses et ça le tuait de ne pas savoir ce qu'il avait fait de mal. Si elle s'acharnait à le tourmenter ainsi, à prendre un malin plaisir à le bercer de douces d'illusions et d'amères déceptions… Non, il ne préférait pas penser aux conséquences. Il ne souffrirait pas d'être blessé et d'amocher Rose. Pas elle. Elle ne méritait pas d'être traitée ainsi après tant d'années de souffrance. Un peu de repos était bien mérité pour la belle.
Il avait profité d'une semaine de vacances posée des mois plus tôt pour venir chez elle. Keith ne savait pas si Rose serait chez elle ou encore au travail. Il aurait pu apprendre son emploi du temps par cœur, la suivre comme un petit chien dès qu'il la croisait – ce qui était plutôt rare ces derniers temps – ou il aurait tout simplement pu lui envoyer un message, se renseigner auprès de sa famille, mais il savait que, si elle avait eu vent de tout cela, elle aurait tout fait pour l'éviter. Quoiqu'il n'en était plus tout à fait certain. C'est comme s'il ne connaissait plus sa meilleure amie. Alors, il avait enfilé son perfecto noir en cuir et une sacoche qu'il avait avec lui en toute circonstance, avait grimpé dans un bus et était parti la retrouver.
La retrouver… Son cœur battait à la chamade tandis qu'il se tenait à quelques mètres de chez elle. Heureusement qu'on lui avait passé son adresse, car sans elle, le jeune homme se serait probablement perdu. Tout à coup, c'est comme si sa volonté s'était évaporée en l'espace de quelques secondes. Peut-être que c'était une mauvaise idée, après tout ? Il remonta l'allée menant à la porte et frappa quelques coups. Après une attente interminable de quelques minutes, il se rendit à l'évidence : elle n'était pas chez elle. Non, il ne ferait pas marche arrière pour rentrer chez lui. Il s'était trop avancé pour abandonner maintenant. Tant pis, il l'attendrait. Il avisa un petit muret pas trop loin et s'assit dessus. Il sortit le livre qu'il avait tout le temps avec lui. La lettre en guise de marque page.
Il l'attendrait toute sa vie s'il le fallait.

acidbrain

Listen, to the song here in my heart.A melody I start but can't complete

Son cœur eut un raté lorsqu'il l'aperçut. Il aurait voulu courir vers elle, la prendre dans ses bras, la faire tournoyer avant de l'embrasser, il l'aurait vraiment voulu, mais il n'était pas certain de la réaction de Rose. S'il n'y avait pas eu ce silence radio depuis plusieurs jours, peut-être qu'il aurait osé. Il sentit la flamme de son amour pour elle se rallumer vivement. Elle lui aurait bien brûlée les entrailles si une douche glacée n'était pas venue calmer le jeu. Le sourire qui s'était étalé sur son visage lorsqu'il la vit, s'effaça aussitôt.
Car le visage de Rose ne laissait rien présager de bon. Keith se mit alors à douter. Il savait très bien que venir ici était une erreur. Alors, pourquoi s'était-il obstiné à vouloir lui parler ? Si elle voulait le voir, elle le lui aurait fait savoir, non ? Mais lui, il n'était pas prêt à l'abandonner comme ça. Pas maintenant, pas en ces circonstances. Il aurait aimé savoir ce qu'il avait fait de mal pour pouvoir s'améliorer et lui prouver qu'il n'était pas une merde insipide, qu'on évite dès qu'on la croise.
Alors, doucement, il inséra la lettre entre les pages de son livre qu'il fourra avec délicatesse dans sa sacoche qu'il referma. Et son regard se posa sur Rose. Une nouvelle fois, ses pensées s'entremêlèrent et son cœur se mit à battre fortement dans sa poitrine. Il croisa ses mains entre ses jambes et baissa le regard. Un soupir plus tard, Keith plongea ses yeux dans ceux de Rose. Sa posture était telle qu'une impression de puissance se dégageait d'elle. D'un certain côté, Rose l'impressionnait. Elle fait partie de ces femmes fortes, qui avaient vécu des choses forgeant un caractère. Mais d'un autre côté, il savait qu'elle était une petite chose fragile, sans défense, et il voulait la protéger. Et l'aimer.
« Non. »
Ce fut un mot tranchant, comme une guillotine. Keith se surprit à aimer ce sang-froid qui s'était soudainement emparé de lui. En temps normal, il se serait levé et serait parti sans poser de questions. Juste en exprimant sa profonde déception et en posant un ultimatum. Mais cette fois-ci, il s'était résolu à ne pas lâcher le morceau. Il ne voulait pas être le premier à asséner le coup fatal.
« Appelle tes flics si ça te chante, j'en ai rien à taper. Car tu sais quoi, Rose ? Je resterai là. Je resterai là, près de toi, comme je l'ai toujours fait. Je ne veux pas être le premier à abandonner. Parce que, tu vois, je ne comprends même pas pourquoi t'es devenue distante avec moi. Qu'ai-je fait de mal ? Putain, Rose, dis-moi ce que j'ai fait, que je répare ça. Je ne veux pas te perdre. Je ne peux pas te perdre. Pas après ce que nous avons vécu toi et moi. Alors, écoute-moi, parle-moi, mais ne me rejette pas. »
Pendant qu'il parlait, il s'était levé et avait avancé de quelques pas vers elle. Oh, comme il espérait ardemment qu'elle l'écoute, qu'elle lui parle !

acidbrain

I was thinking 'bout her, thinking 'bout me, thinking 'bout us, what we gon' be ?

Il suivit la jeune femme jusqu'à la porte d'entrée. Lorsqu'il la vit boitiller, il dût se faire violence pour ne pas lui venir en aide. De toute façon, vu comment cela semblait être parti entre Keith et Rose, valait mieux pour lui qu'il s'abstienne de tout geste à son égard. Cela le tuait de la voir s'épuiser ainsi et de constater sa propre impuissance face à la jeune femme, mais il savait pourtant pertinemment qu'il devait faire profil bas. Il ne voulait pas – et ne pouvait pas – se permettre de la perdre définitivement.
Durant toute la diatribe de Rose, Keith se retint de la couper, d'envoyer valser ses propos d'un coup de pied, de se jeter à ses genoux et de lui implorer son pardon. Il voulait juste la faire taire rien qu'en l'embrassant – l'envie le démangeait sérieusement – mais il s'en abstint. Parce qu'après tout, il appréhendait la réaction de la jeune femme concernant ses sentiments et il se sentirait vraiment idiot s'ils n'étaient pas réciproques. Mais, au fur et à mesure des paroles que la belle prononçait, il sentit une pointe de culpabilité teintée de colère poindre en lui. Il reporta son regard sur l'environnement et constata que la décoration, bien qu'un peu épurée, restait agréable à regarder. Il se prit de passion pour le mur qu'il fixait sans retenue.
Et soudain, le silence. Sa tête se tourna et ses yeux se posèrent sur Rose.
« Tu parles de trahison. C'est pas un peu l'hôpital qui se fout de la charité ? Toute ta putain d'adolescence, tu m'as fait comprendre que tu ne te laisserais plus avoir par tes parents, et tu sais quoi ? Tu t'es mariée à l'autre connard. T'es-tu seulement demandée ce que cela m'a fait ? Je me suis senti con, con parce que je me battais pour toi, pour tout ce que tu m'avais dit au lycée. Alors oui, j'ai fini par m'effacer parce que je ne voulais, au final, que ton bonheur. Mais ne va pas croire que j'ai approuvé tous tes choix. Ce mariage n'était pas la meilleure idée au monde, et retourner avec lui à chaque fois n'était pas non plus le choix le plus judicieux. Quand je t'en parlais, tu me dissuadais à chaque fois d'aller le voir, et je t'ai bêtement écouté. Parce que, tu vois, le truc, c'est que je t'aime, et je ne voulais pas que tu souffres. Mais ça me tuait de te voir te consumer à petit feu. Tu ne méritais pas cette putain de vie. Tu aurais pu t'en sortir, si tu m'avais écouté, mais au final, tu as préféré te ranger du côté de l'avis parental. Pourquoi n'as-tu pas refusé sa demande en mariage ? Pourquoi n'es-tu pas partie à la première violence ? Tu avais peur de décevoir ta famille ? Tu préférais sacrifier ton propre bonheur, ta propre vie pour satisfaire des envies qui n'étaient pas les tiennes ? Alors oui. Oui, je sors avec ta cousine, que ça te plaise ou non. Ça a commencé peu de temps après que tu as sombré dans le coma. »
Keith se tut quelques instants, le temps de refaire un point rapide sur sa relation avec la cousine de Rose. Leur relation n'était pas au beau fixe ses derniers temps. Ces derniers temps, Keith passait tout son temps au boulot et, quand il n'y était pas, il préférait les plaisirs solitaires, comme la promenade, la lecture ou le visionnage de films tranquille chez lui, plutôt que d'affronter les bars. Parce qu'il préférait s'occuper l'esprit plutôt que de devoir voir le visage de Rose au travers de celui de sa cousine. Il envisageait de rompre avec elle, mais cherchait encore le meilleur moyen de le faire sans la blesser plus que de raison. Si Rose lui disait ce qu'il voulait entendre, il n'hésiterait cependant pas non plus à l'appeler et à lui dire noir sur blanc qu'il ne pouvait plus continuer leur relation. Peut-être qu'il aurait dû le faire depuis longtemps…
Il vit les doigts de Rose sur la poignée de la porte. Délicatement, il s'en empara et les décrocha doucement. Mais il ne les relâcha pas. Les garder dans sa main, c'est ce qu'il souhaitait pour les années à venir.
« Tu sais très bien que je serais toujours de ton côté. Dis-moi un mot, un seul, et je plaque tout. »

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With an empire of our own

La colère de la jeune femme le surprit et le déstabilisa un peu. A vrai dire, Keith n'avait jamais vraiment eu à faire à un tel courroux de sa part et c'est comme si on lui avait arraché le cœur avant de l'étreindre avec force. Il ressentit une douleur qu'il n'avait jamais éprouvé auparavant, celle d'un monde en train de muter. Et lorsque la jeune femme lui parla du monde aristocratique, de son monde à elle, Keith accusa le coup. C'est comme si on venait de lui dire qu'il n'avait aucune chance d'approcher ce monde, lui, le pauvre gosse issu d'un milieu modeste. Il dut serrer les poings et sentit ses ongles pénétrer sa peau et sentit des larmes monter en lui. Non, il ne craquerait pas devant elle, même si, implicitement, leur avenir semblait se dessiner en ce moment-même, entre leurs corps éprouvés de colère.
Il la vit détourner la tête. Et il préféra garder le silence. De toute façon, qu'aurait-il pu dire ? Cette atmosphère, c'était bizarre, très bizarre et Keith se retint de partir le plus vite possible. Il ne supportait pas ces non-dits, ces silences déchirés. Il aurait voulu tout combler, dire des mots d'amour, des mots de tous les jours (© Edith Piaf) et même chanter quand bien même sa voix n'était pas celle de Pavarotti ni celle de Céline Dion. Il serait prêt à se ridiculiser si cela lui permettait d'avoir Rose avec lui, pour toujours.
Sa main tenait toujours les doigts de Rose lorsque la jeune femme garda les lèvres closes et détourna la tête. Pourtant, il les laissa s'échapper lorsqu'elle tomba à genoux sur le sol. Il s'agenouilla devant elle avant de s'asseoir à même le carrelage et de l'attirer contre lui. Il lui caressa distraitement les cheveux et y déposa un baiser léger.
« Ne t'en fais pas, c'est mon affaire, ça. Ça aurait dû être fait depuis longtemps... »
Bien avant qu'il ne s'en rende compte, il l'avait serré contre elle comme si sa vie en dépendait en cet instant même. Peut-être qu'il réussirait à lui faire comprendre ce qu'il n'arrivait pas à dire explicitement.
« Rose… Tu voulais vraiment que je m'en aille ? »

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A place to crash, I got you

Le fait qu'elle se blottisse contre lui de cette manière… Keith se retrouva projeté bien des années auparavant, à son premier bal de promo, alors qu'ils étaient doux deux en seconde. Il lui avait dit quelques mots et elle s'était lovée contre lui, comme s'il n'y avait eu plus qu'eux sur terre. Cela n'aurait pas dérangé l'anglais. Il frissonna lorsqu'elle enfouit sa tête dans son cou et qu'il sentit quelques larmes couler le long de sa peau pour s'échouer sur ses vêtements. Il s'en fichait, si ses vêtements étaient tâchés de maquillage, s'ils étaient trempés. Elle passait avant de futiles détails comme ceux-là. Il continuait à laisser ses mains vagabonder dans le dos de la jeune femme.
« Je ne sais pas. Je suppose qu'on était tous les deux de pauvres gamins perdus et qu'elle s'est trouvée là pile au moment où j'en avais besoin. »
Son cœur se serra à l'idée qu'il avait peut-être blessé plus de personnes qu'il ne l'aurait pensé. Rose avait été blessée lorsqu'elle avait appris qu'il sortait avec sa cousine. Cette jalousie, Keith l'avait ressentie lorsque Rose avait commencé à sortir avec Clément. Une jalousie qui lui av ait donné envie de démolir Clément, de démolir les parents de Rose. Oh, de prime abord, Clément ne semblait pas être un gars méchant, mais Keith l'avait trouvé lisse, trop lisse pour que cela paraisse réel. Et il était trop tard lorsqu'il avait montré son vrai visage à la face du monde. Alors là seulement, il était devenu fou. Il avait vécu dans une angoisse constante, s'attendant à chaque seconde à recevoir un message, un appel de Rose lui demandant de venir la chercher, de l'emmener loin de cet enfer. Mais à chaque fois, elle l'appelait pour parler avec lui, lui demander de l'emmener à l'hôpital. Il s'était contenu pour elle, parce qu'elle le lui avait demandé, mais il n'avait pas su résister. Il avait tenté, mais sans succès. Lorsqu'il avait foutu son poing dans le visage de Clément, c'était comme une délivrance pour lui. Mais ce n'était jamais suffisant.
Et de l'autre côté, il y avait la cousine. Il savait qu'il ne s'était pas comporté en parfait gentleman avec elle. Les premiers mois avaient été presque idylliques, ponctués de rendez-vous galants et de moments intimes. Il avait essayé de se convaincre que cela pouvait marcher. Pourtant, à travers son visage, c'était Rose qu'il voyait. C'était toujours elle. Et son comportement parfait avait commencé à péricliter sitôt six mois passés. Les rendez-vous galants se faisaient plus rares, parce que le travail s'accumulait tant de son côté que du sien. Les relations intimes n'étaient plus aussi courantes qu'au début. Keith avait sûrement commencé à se lasser de tout ça. Il s'était voilà la face et s'était refusé à voir l'inévitable. Qu'il avait au final envoyé leur relation droit dans un mur. Et lorsque Rose s'était réveillée, il voulait continuer de croire qu'eux deux, c'était possible. Il voulait continuer mais la soudaine proximité de sa meilleure amie avait changé la donne. Il avait commencé à s'éloigner de la cousine, à devenir le fantôme qu'il s'était promis de ne pas être, à la mettre de côté. Si elle allait voir ailleurs, il ne la retiendrait pas. Il la comprendrait, après tout. Il n'avait pas su être à la hauteur.
Cependant, il garda le silence. Après coup, il se rendit compte qu'il ne l'avait probablement jamais autant aimé que Rose. Mais le sourire qui se dessina sur le visage de Keith lorsqu'elle lui lança un regard noir et le traita de crétin aurait suffi à faire pâlir le soleil.
« Si nous n'avions pas été bêtes, nous ne seront pas ici, toi et moi... »
Oh que non, ils n'en seraient pas là si chacun n'avait pas joué à l'imbécile. Peut-être qu'ils vivraient ensemble, seraient fiancés et… Keith se refusa à penser à la suite. Après tout, ce n'était pas un jeu auquel il pouvait jouer seul.
« Ce n'est pas grave. Tu as le droit de le savoir. Je suppose que je ne l'ai jamais vraiment aimé. Peut-être que je le voulais, mais il y avait un obstacle entre nous que je ne pouvais plus ignorer. Et ce n'était pas n'importe quel obstacle... »
Il sentit ses doigts se balader sur son torse et de nouveau il frissonna. Il se bénit d'avoir mis cette chemise. Si le torse avait été nu… Il préféra ne pas penser aux conséquences. Il attrapa les doigts de Rose et y noua les siens.
« Tu… Tu... »
La suite de la phrase avait du mal à sortir et pourtant, il s avait qu'il devait le lui dire.
« Tu es mon obstacle, Rose. »

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Baby you're a firework

« Moi surtout ? J'aime ton sens de l'humour, Rose! »
Il la vit hausser des sourcils lorsqu'il parla de l'obstacle, comme si elle cherchait à comprendre. Après tout, elle avait le droit de savoir, elle aussi. Il en avait marre de devoir camoufler ses sentiments alors qu'il pouvait tout à fait être heureux. Heureux avec elle. Il vit quelque chose changer en elle lorsqu'il s'expliqua sur l'obstacle, comme si un loquet venait de sauter, qu'une brèche venait de s'ouvrir dans laquelle il pourrait foncer tête baissée. Il ne savait pas à quel jeu jouait Rose, si elle faisait exprès de ne pas comprendre mais ça le mettait drôlement mal à l'aide d'être dans cette situation. Même si elle était d'un réconfort étrange pour l'anglais, se retrouver ainsi confronté à ses sentiments et devoir les lui dire le rendait toute chose.
« Je pense qu'il est temps d'arrêter de se cacher, Rose. Je ne veux plus vivre ainsi, en sachant que toi, tu fais ta vie de ton côté et que je suis là à t'observer, alors qu'on pourrait être heureux tous les deux. »
Il lui embrassa une dernière fois les cheveux, lui caressa une dernière fois le dos avant de la forcer à se lever. Il se mit alors face à elle et attrapa son visage entre ses mains. Avec ses pouces, il effaça les dernières traces de larmes qui subsistaient sur son visage.
« Maintenant, arrête de pleurer. Je n'aime pas te voir dans cet état. »
Keith posa son front contre le sien et se mordit la lèvre. Il se sépara de la jeune femme et la regarda droit dans les yeux avant de baisser son regard vers sa sacoche. Il fouilla dedans, en ressortit son livre et s'empara de la lettre.
« Je t'avais écrit ça quand tu étais… J'aimerais que tu puisses la lire, s'il te plaît. »

acidbrain

I'll come back when you call me

Tout un tas de sentiments traversèrent le visage de la jeune femme et se répercutèrent sur Keith. C'était un fatras innommable en lui. Il était heureux de lui avoir dit à demi-mots qu'il l'aimait, heureux de s'être à moitié livré sur ce qui le tourmentait depuis une dizaine d'années. Mais les réactions de Rose le laissèrent pantois. Il aurait aimé qu'elle ait un avis posé sur la chose, et pas des hésitations qui l'amenèrent lui-même à hésiter quant à ses sentiments. Il secoua la tête. Non, non il était certain de ce qu'il éprouvait. Certain que c'était avec elle qu'il voulait passer le restant de sa vie. Elle et personne d'autre. Il acquiesça lorsqu'elle sortit d'un ton complètement paumé « Une lettre ? ». C'était pour lui, la seule façon de se livrer pleinement. Il était pour le moment incapable de lui dire noir sur blanc qu'il l'aimait. Il fallait toujours qu'il enrobe la chose, qu'il la noie parmi tant d'autres mots pour qu'elle passe inaperçue.
Il vit des larmes s'installer dans ses yeux, entendit son rire vriller l'air et torpiller agréablement ses oreilles avant que le masque de tristesse s'empara de nouveau de son visage. Les yeux de sa belle se levèrent et le fixèrent. Il dut se faire violence pour l'embrasser en cet instant même. Keith crut déceler, dans les prunelles claires de Rose, quelque chose d'aussi puissant que ce qu'il souhaitait lui avouer. Il opina du chef lorsqu'elle lui demanda si c'était les médecins qui lui avaient dit pour sa grossesse. Il lui caressa distraitement le bras.
« J'ai toujours été à tes côtés, Rose, je te l'ai dit. J'ai été là même quand les médecins disaient tes infos à tes parents. Ça ne leur a pas plu, à tes parents, mais j'en avais rien à foutre. Et heureusement que ta sœur était présente, car sinon, j'aurais pu m'asseoir sur mes droits de visite… »
La révélation de Rose le partagea. Ainsi, elle aussi, elle l'aimait. Elle l'aimait comme lui l'aimait ! Il sentit son cœur s'emballer et quelque chose de drôle poindre en lui. Mais elle ne semblait pas vouloir de lui, pas en tant qu'amant. L'amitié semblait lui suffire, mais Keith ne voulait plus être ami avec elle. Sa voix se teinta d'amertume lorsqu'il reprit la parole.
« Mettre en péril notre amitié ? Putain, je ne sais plus quoi faire pour attirer ton attention, Rose, pour te prouver que oui, je t'aime ! Je… Je suis fatigué de devoir t'observer en silence, de rêver à ce que notre vie ensemble pourrait ressembler. »
Sa main s'avança lorsque Rose lui tendit la lettre, mais elle se rétracta rapidement une fois le papier entre les mains de l'homme. Le cœur de l'anglais se serra douloureusement. Et il sentit la déception le submerger. Il sentait les larmes arriver dans ses yeux. Elle continua de parler mais Keith l'écouta distraitement. Elle ne voulait pas s'engager avec lui et c'était bien ça le problème. Il se mordit la lèvre, plus de rage que pour aguicher la jeune femme. Il la suivit néanmoins dans le jardin et se dirigea à sa suite vers un pommier. Il en fit le tour et découvrit une petite tombe. Une toute petite tombe. C'est comme s'il était entré tout habillé dans une douche glacée.
Les propos de sa meilleure amie le figèrent sur place. Si Clément avait été vivant, Keith l'aurait probablement tué. Il lui aurait arraché les tripes avant de les lui enfoncer dans le gosier en espérant qu'il s'étouffe. Il s'en voulait de ne rien avoir vu, de ne pas avoir su. Une larme glissa le long de sa joue, se percha sur sa mâchoire avant de s'échouer sur le sol. Sans prévenir, il se détourna de Rose et commença à repartir vers la maison. Mais à mi-chemin, il revint à la raison. Il se retourna et regarda Rose un long moment. Des secondes semblables à une éternité. En quelques grandes enjambées, il la rejoignit de nouveau, attrapa son visage entre ses mains et l'embrassa furieusement, fougueusement, passionnément. Lorsqu'il se sépara d'elle, il plongea son regard dans le sien.
« J'en ai rien à faire si je n'ai pas d'enfants. Au pire, on adoptera, c'est pas grave ! Je ne serais pas heureux si je ne t'ai pas. C'est toi que j'aime, le reste, je m'en fous. Je ne veux pas te laisser à quelqu'un d'autre et regretter ensuite de ne pas avoir su saisir ma chance. Tu es ma Rose. La mienne. »

acidbrain

I'm gonna be the man who comes back home with you

Il donnait tout ce qu'il pouvait dans ce baiser. Un baiser passionné, où il dégueulait son amour pour la jeune femme. Si cela devait être leur dernier baiser, baiser d'adieu, autant qu'il soit mémorable. En tout cas, Keith voulait graver la sensation des lèvres de Rose dans sa mémoire, la douce chaleur qui en émanait, leur douceur, leur goût légèrement salé, conséquence des larmes. A peine ces sensations gravées en lui, il sentit l'insistance de Rose. C'est comme si elle y mettait sa vie entière dedans. Comme si le restant de son existence en dépendait. Il sentit ses bras autour de son cou, une main sur le derrière de sa tête. Il posa ses mains sur les hanches de la demoiselle et l'attira doucement à lui, la colla contre lui. En lui, il y avait une explosion sévère. Ce baiser devait être un baiser d'adieu ; et pourtant, il avait le goût du contraire. Keith en était certain, ce n'étaient pas des baisers d'adieu. Tout l'espoir que Rose semblait y mettre tendait à le prouver. Des années de déception, qu'elle tentait de rattraper en un seul baiser. Oh l'anglais n'irait pas se plaindre. Celle qu'il avait toujours désiré était accrochée à lui et lui rendait avec fougue le baiser qu'il était venu lui donner. Il sentit sa langue pointer entre leurs lèvres ouvertes et il ne tarda pas à laisser la sienne aller à sa rencontre. Cela lui procura une drôle de sensation qu'il lui était impossible d'ignorer. Il sentit sa masculinité se réveiller doucement et pria pour que Rose ne sente rien. Ce baiser était déjà assez nouveau pour eux, il ne voulait pas non plus gâcher en quelques secondes leurs chances. Et lorsque Keith se sépara d'elle, tout en lui gronda. Tout son être incitait à retourner vers la jeune femme, à continuer de l'embrasser comme si chaque seconde était la dernière, à la caresser pour l'apaiser, pour la rassurer. A l'aimer pour combler une carence encore trop présente.
« Combien de fois faudra-t-il que je te répète que je m'en fous ? Ce n'est pas grave, si… S'il n'y a rien à la fin. Et c'est mon rôle d'être là pour toi, quand tu en as besoin. Et si ça peut te rassurer, je t'emmènerai consulter les meilleurs spécialistes du monde, histoire de mettre toutes les chances de notre côté. »
Il regarda sa main lui caresser le bras et sentit un frisson le parcourir. Il esquissa un fin sourire chaleureux avant de reporter son attention sur la jeune femme qui le fixait à présent et qui lui parlait d'une voix paniquée.
« Ne t'inquiète pas, Rose, on fera ça à ton rythme. Ce sera quand tu te sentiras prête. Je ne te presserais jamais, sache-le. Je ne veux pas que tu ailles à mon rythme ; c'est moi qui dois m'adapter au tien. Ok ? »
Il lui adressa un tendre sourire et lui caressa un instant la joue, profitant au passage pour remettre une mèche de cheveux derrière l'oreille. Il l'embrassa de nouveau, doucement, amoureusement.
« Je reviens, je vais aller passer un coup de fil. Je t'avais promis que je plaquerais tout si tu me disais un mot… »
Keith s'éloigna de quelques pas et sortit son téléphone. Machinalement, il composa le numéro de la cousine. Comme il s'en doutait, elle était au travail. Ce qui ne l'empêcha pas de laisser un message sur le répondeur.
« Salut, c'est moi. Je t'appelais pour te dire que… Toi et moi, on devrait en rester là. Ça aurait dû être fait depuis longtemps, et je m'excuse d'avoir tardé à te rendre ta liberté. Tu mérites mieux que moi. Prends soin de toi. »
Il retourna vers Rose et lui tendit la main.
« Allez viens, on rentre. Je crois qu'on a des choses à se dire, toi et moi... »

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Now I'm alright, now I'm alright, everything's alright

Cet élan d'amour le poussait à la protéger. Elle était une fracassée de la vie, une bouteille de verre trimballée par la mer, qui s'est maintes fois cognée contre les rochers et qui commençait à se fêler, à laisser entrer l'eau. Keith ne disait pas qu'il était arrivé pile au bon moment. Il s'était toujours tenu en retrait, n'intervenant que quand le SOS était lancé. Mais là, ils pourraient l'un et l'autre panser leurs plaies. Deux écorchés vifs qui se guériront.
« Ne t'en fais pas pour ça. Si ça te rassure vraiment, demain, on prend rendez-vous chez un spécialiste et on verra bien ce qu'il dira. Je pense qu'après tout un tas d'examens, le doute ne pourra plus être permis, non? »
Lorsque Rose se laissa aller contre sa main, il eut l'impression qu'elle redevenait enfant. Un enfant qui avait manqué à maintes reprises d'amour parental et qui avait dû se construire entre les attentes familiales et un monde qui le façonne à son image. Elle s'était insinuée dans chaque brèche qui se présentait à elle, prenant ça et là ce qui lui semblait le plus correct et elle était devenue Rose. Une Rose qui avait perdu de ce qu'elle était autrefois, mais qui ignorait aussi ce qu'elle était vraiment. Après tant de dépréciations, Keith savait que la jeune femme refusait l'aide qu'on lui proposait. C'était pour lui un réel coup de chance qu'elle ait accepté ce qui lui offrait : son aide, son amour, son être. Elle aurait très bien pu appeler les flics, lui balancer tous les objets qui lui venaient sous la main, lui répondre clairement qu'elle ne voulait pas de lui lorsqu'il lui a dit « Dis-moi un mot et je plaque tout ! ». L'anglais s'était infiltré dans une petite faille de Rose et avait frappé droit dans son cœur et dans sa tête.
Pendant qu'il s'éloignait pour téléphoner, il entendit Rose lui adresser un surnom. Il tourna la tête vers elle et coula vers elle un sourire et un regard chargés de sous-entendus. Oh, ça ne lui déplairait pas du tout qu'elle l'appelle « chéri ». Elle pouvait l'appeler « mon chaton », « poussin », « mon coeur » si elle le voulait, Keith ne dira rien. Parce que, pour elle, il était prêt à accepter n'importe quel surnom, même le plus idiot qui puisse exister. Et tout le temps qu'il était au téléphone, son regard se baissa machinalement vers son entrejambe et vit une petite bosse. Et merde !, pensa-t-il tout en essayant de trouver une solution pour camoufler ça à Rose. De toute façon, maintenant, c'est trop tard. Ça ne pourra pas baisser, même avec l'action du Saint-Esprit. Et son attention se focalisa sur le message qu'il était en train de laisser. Il était court, clair, tout ce qui se faisait de mieux (le message hein, qu'on se le dise).
Ils finirent par rentrer tous les deux, main dans la main. La jeune femme l'entraîna vers le canapé où il prit ses aises avant qu'elle ne vienne se blottir contre lui. Il l'entoura de ses bras et la tint serrée contre lui. Il enfouit son visage dans ses cheveux. Une odeur de shampoing lui emplit les narines. L'odeur lui disait vaguement quelque chose, mais il s'en foutait. Pour lui, dorénavant, c'était l'odeur de Rose et celle de personne d'autre.
« Hum… Il y a d'autres choses, comme des pulsions subites, que je devrais connaître ? Parce que, oui, bon, ce n'était pas désagréable non plus hein ! Mais faut que je m'y habitue! »

acidbrain

Everywhere I'm looking now, I'm surrounded by your embrace

La voir rougir ainsi lui rappelait ses années d'adolescent, où il s'amusait à mettre mal à l'aise les filles dans le but de les faire rougir. En général, les plus timides, les plus effacées, étaient celles qui avaient le rouge qui montait facilement aux joues. Mais Keith ne les aimait pas. Il s'était joué d'elles, parce qu'il était avec sa bande de potes et il voulait leur prouver qu'il n'était pas une mauviette. Se pavaner devant les filles, c'était le but que son groupe d'amis s'était fixé, et Keith ne devait pas déroger à la règle. Avec du recul, il devait se rendre compte qu'au final, il les avait plus humiliées qu'autre chose. Il en éprouva de brefs remords. Pourtant, voir Rose rougir ainsi lui apportait un sentiment beaucoup plus puissant. Il ne se pavanait plus pour ses amis, il ne faisait plus rougir les filles pour les embêter. Il le faisait parce qu'il aimait Rose, parce qu'il ne l'avait jamais vu rougir autant, parce qu'il désirait la connaître davantage. Mais aussi parce qu'il souhaitait qu'elle ne se sente plus gênée d'avoir le droit aux sous-entendus indécents qu'il pourrait lancer de temps à autre.
Blottis l'un contre l'autre sur le canapé, il sentit les mains de Rose lui caresser le torse. Il retint un instant son souffle, perturbé par ce geste pourtant si anodin, mais qui revêtait soudainement une toute autre signification. Keith voulait lui prendre les doigts, les embrasser un par un avant d'unir de nouveau ses lèvres à celles de la jeune femme. Il se força à écouter ce qu'elle lui disait. Lui sauter au cou lorsqu'il rentrera du travail, lui cuisiner de bons petits plats, s'asseoir sur ses genoux et même se promener… Tout ce joli programme lui plaisait. Il se voyait tellement dans une vie ponctuée de ces petits plaisirs, lui qui se les était imaginés bien des années plus tôt.
« Oh, et bien, je t'emmènerai en Angleterre, on visitera Londres, on fera un tour sur la Tamise. Je t'emmènerai aussi au cinéma, on se fera des soirées… Comment vous dites déjà ? Cocooning ? Ça te convient ? Ajouté à ton programme, ça pourrait le faire, non? »
La main de la jeune femme remonta de son torse à sa joue. Les yeux de l'anglais la fixèrent sans pouvoir s'en détacher. Elle lui caressa la joue un instant et l'homme ferma les yeux quelques instants, enivré par ce contact. Il comprit le comportement de Rose, lorsqu'elle s'était laissée aller contre sa main. Rapidement, il se laissa dériver vers de doux rêves. Il fut doucement tiré de ses rêveries par l'italienne qui venait de s'asseoir sur ses genoux. Il l'encercla de ses bras, posant innocemment une main sur sa cuisse. Son regard suivit celui de Rose, lequel se baissa sur la bosse qui soulevait son pantalon. Quelques instants plus tard, elle quitta ses genoux et Keith ne put retenir un grognement de mécontentement. Keith se maudit intérieurement de n'avoir su contenir sa masculinité. De toute façon, il n'y pouvait rien.
« Quelques minutes, je crois. Mais je ne peux rien faire contre ça. Au moins, tu sais que je ne te mens pas. On peut rester amis, si tu veux... »
Cette dernière phrase était risquée, il le savait. Cela pouvait ramener Rose à quelques poignées de minutes plus tôt, où énervée, elle avait clairement dit qu'elle ne voulait pas de lui. Là, Keith espérait juste faire retomber l'atmosphère pesante qui commençait à s'installer. Parce qu'après tout, c'était tout aussi naturel que manger ou respirer. Keith espéra aussi que Rose ne lui en voudra pas. Et qu'elle ne refusera plus l'amour qu'ils commençaient à partager ensemble.
« Bon, je… Crois que je vais y aller. Si tu ne sais pas quoi faire, téléphone-moi, envoie-moi un sms ou passe à l'appart. Et si demain, tu ne fais rien, je t'emmène à Mantoue. Ils ont un très bon resto et de jolis endroits où se balader. Si le cœur t'en dit... »
Sans attendre la réponse de Rose, il se leva, ajusta son perfecto noir sur ses épaules et enfila sa sacoche. Il se tourna, observa la jeune femme et se pencha pour l'embrasser doucement. Il lui adressa un sourire tendre, lui caressa un instant la joue avant de partir.

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