Avant il était solaire, il riait pour tout. Il riait pour rien. Il voyait le monde à travers ses yeux. Il aimait tout chez elle, de la façon qu'elle avait à remettre ses cheveux derrière son oreille à son adorable manie de plisser le nez quand il la couvrait de baisers. Il l'aimait d'un amour paisible. Sa bashert, c'était elle, clairement. Parce que tout s'est terni quand elle a disparu. Son ex-femme, elle n'a pas de prénom. Enfin si, mais il est incapable de le prononcer. Ça lui fait mal, c'est une torture. Sans même s'en apercevoir, il s'est isolé. Émotionnellement parlant tout du moins, il ne laisse plus rien l'émouvoir. Tout ce qu'il voit chez les autres, c'est la pitié qu'il leur inspire. C'est dans sa tête souvent, même si son monde s'est éteint, le monde n'est pas au courant qu'il est au fond du gouffre.
Il n'aime pas avoir du temps libre, quand il en a, il pense à elle, et ça c'est hors de question. Alors il bricole dans son garage, les voitures. Sous le capot, dans le cambouis, les pensées n'ont pas leur place. Il a laissé tombé tout ce qu'il faisait auparavant : la télévision, le cinéma, la lecture. Le roman qu'il prévoyait d'écrire, envolé. Il grogne qu'il n'a jamais aimé ça quand on le taquine sur le sujet. Il ne parle plus autant qu'avant, il a réalisé qu'on le laisserait tranquille s'il n'entretenait pas la conversation. Alors il observe, avec cet air de "tu ferrait mieux de dégager", parfois quand il l'ouvre, c'est pour balancer une horreur. Il croit tous pouvoir le guérir, le sauver alors qu'il est persuadé d'être déjà perdu.