; Mafalda Claude Cavalere. Elle se présente parfois également comme Claudia, une jeune italienne en quête de sa destinée. Elle préfère ne pas trop parler de sa réelle identité, n'ayant plus de papiers valides lui permettant de rester en Italie. C'est donc avec des noms empruntés qu'elle se trouve un boulot ou qu'elle entame une conversation.
; artiste peintre, professeure d'art dans une maison de retraités, serveuse dans un café, gardienne d'enfants, bref, tout ce qui peut lui permettre de vivre
; un programme d'art à l'Accademia di Belle Arti di Firenze, écourté par un manque de fonds
; elle a bien quelques euros en poche, mais ce n'est pas assez pour payer les factures
Mafalda, c'est une artiste dans l'âme. Créative depuis sa plus tendre enfance, elle a toujours adoré inventer des histoires abracadabrantes, que ce soit avec ses oursons en peluche, ses crayons de couleur ou un bon vieux stylo. Ce n'est alors pas très surprenant si la demoiselle préfère maintenant se présenter sous le nom de Claudia aux gens qu'elle rencontre maintenant, une jeune italienne qui mord la vie à pleine dent. Mafalda la sans papier laisse donc parfois sa place à cette ingénue sans réserve, sans gêne, qui parle à tout le monde et vit sa vie pleinement. Si elle peut démarrer une conversation avec des inconnus dans la rue et s'acclimater de tout, elle n'est toutefois pas de nature calme. Elle aime même reconnue pour son tempérament de feu et sa détermination à toute épreuve, une vraie tête de cochon. L'opinion des autres ne l'intéresse pas, ce qui peut lui donner un air hautain, prétentieux. Elle aime bien cela, de toute façon, ça lui donne un petit quelque chose de sophistiqué. Esprit libre, citoyenne du monde, Mafalda n'a jamais voulu rester au même endroit. Le fait d'être maintenant en Italie lui offre la possibilité de bouger, de vivre sans savoir ce que demain lui réserve. C'est son rêve qui se réalise.
Les basherts, Mafalda y croit fermement. Elle sait qu'ils existent, bien qu'elle n'ait pas une opinion très sérieuse sur l'adage « À chacun sa chacune ». Il existe sûrement des êtres faits l'un pour l'autre dans ce bas monde, mais elle ne pourrait dire avec certitude s'il existe bien une telle personne pour tout le monde. Elle sait aussi qu'ils sont nocifs, qu'ils détruisent des vies au nom d'un amour incommensurable. Le divorce de ses parents lui aura offert une place de premier choix au théâtre de la désolation humaine causée par la flamme de l'amour brûlant des basherts. Son souhait le plus cher désormais : ne pas répéter les erreurs de ses parents. Elle ne croit donc pas non plus au mariage par amour, ni à l'amour qui triomphe de tout.
Pour le côté sexuel, tout ce qu'elle peut vous dire, c'est qu'elle ne l'a pas encore rencontré. Elle ne sait pas s'il/elle se cache quelque part, et ne veut pas réellement le savoir. Autant l'amour que le sexe peuvent mener à des tragédies. Briser des couples, des vies entières. Ce raisonnement peut sembler fataliste, simpliste également, mais la Cavalere a été réellement ébranlée par le divorce de ses parents et ne peut concevoir que l'amour puisse être un long fleuve tranquille. De toute façon, il ne serait pas intéressant de voguer sur une telle masse d'eau. Si le sexe et les aventures mènent à des turbulences, Mafalda se garde donc de chercher ces embrouilles supplémentaires.
Elle reste toutefois une fervente défenseure de l'amitié réelle entre deux êtres. C'est d'ailleurs ce qu'elle vit avec sa tendre amie Anna, qui lui offre présentement le gîte. C'est un véritable coup de foudre, une amitié instantanée qui les unie depuis plusieurs années. Mafalda ne voit pas les basherts amicaux du même œil que les deux autres, sûrement car elle n'a pas encore connu de drames de ce côté-là.
L'amour. Si elle fermait les yeux et qu'elle concentrait son esprit vagabondeur, Mafalda vous dirait sûrement que son premier souvenir de ce qu'est l'amour est un moment de joie partagé avec ses parents, alors qu'elle volait dans les airs, soulevée par son père. Des éclats de rire qui résonnaient dans toute la maison. Ce doux sentiment de liberté, de sécurité, un instant où le temps n'existe plus, que du bonheur éternel. Un amour infini, immortel. Et si seulement ça pouvait durer. Et si seulement elle y avait cru plus longtemps. Mais la vie n'est pas ainsi faite.
***
La Petite Italie, un quartier accueillant et vibrant de Montréal, là où la bonne bouffe et le bon voisinage se rencontrent pour recréer
il bel paese, malgré l'océan qui séparent les italiens d'origine de leur terres natales. C'était le lieu qu'avait choisi comme terre d’accueil la famille Cavalere dans les années 80.
Mafalda Cavalere, fille de Brigitte Ménard et Mario Cavalere, ne connaissait rien d'autre. Elle était née et avait grandi à Montréal, n'ayant jamais même visité la belle botte. C'était son coin de paradis, son petit monde à elle. La jeune fille rêvait toutefois d'aller visiter cette Italie dont on lui parlait si souvent et dont elle n'avait vu que quelques photos dans les vieux albums de
nonna. Oh combien de fois Mafalda s'était-elle assise sur les genoux de sa grand-mère, l'écoutant réciter avec passion ses aventures d'une jeunesse lointaine, alors qu'elle lui montrait ces photographies d'une autre vie, plus simple, plus belle? Malgré une arrivée au Canada près d'une décennie plus tôt, Vittoria Cavalere n'avait jamais réellement accepté son sort. Elle avait tout quitté pour suivre son époux : sa maison, sa famille, ses amies… tout son monde s'était écroulé sous ses yeux. Tout ça parce qu'il avait accepté un poste à l'autre bout du monde. Et elle n'avait eu d'autre choix que de s'abandonner à cette destinée qu'elle n'avait pas choisie, pour l'amour de son homme. Bien qu'elle n'ait jamais visité le monde avant son départ pour le Canada, elle savait que l'Italie était ce qu'il y avait de plus beau sur cette planète. Un amour patriotique qui la consumait depuis sa tendre jeunesse qu'elle comptait bien transmettre à ses enfants et ses petits-enfants. À vrai dire, durant sa longue vie,
Nonna Vittoria n'avait connu que deux amours, le premier lui avait offert le patronyme de Cavalere, et le second était son pays. Amère, elle ne gardait de ces deux histoires que des souvenirs qu'elle chérissait bien plus que sa nouvelle réalité : la solitude. Son bien-aimé avait été emporté par une pneumonie à l'hiver 1993 et son petit patelin lui avait été arraché depuis belle lurette.
Avec ses yeux d'enfant, Mafalda ne décelait pas l'ampleur de la tristesse dans ce discours répétitif. Comment aurait-elle pu comprendre? Elle, qui n'avait connu que du bonheur depuis sa naissance. Elle qui ne savait rien des troubles qu'apporte l'amour au fil du temps. Elle qui ne connaissait rien de la vie, si ce n'est que ce qu'on voulait bien lui en dire. La petite se contentait d'offrir comme unique réconfort un doux baiser sur la joue de son aïeule, celle-ci lui rendant un faux sourire, en bonne actrice qu'elle était.
Cette tristesse immense, Mafalda ne la comprendrait que des années plus tard, après l'avoir vécue et l'avoir vue dans le regard de sa mère, alors que son père était loin, retourné en Italie pour le boulot. Une semaine, puis deux, puis six. La petite n'avait reçu qu'une carte postale de son paternel à qui elle refusait de parler lorsqu'il appelait, une fois de temps en temps. Elle espérait lui faire autant de mal qu'il avait puis lui en faire en l'abandonnant ici. Autant de mal qu'il en avait fait à sa mère. Combien de fois l'avait-elle entendu hurler au téléphone des phrases comme
« Pourquoi tu me fais ça à moi? À nous? » et
« Mais MOI je t'aime »?
« Je te déteste » aussi, le soir, en s'endormant entre deux sanglots étouffants. Puis, un bon matin, il était rentré, le regard vide, et la vie avait repris son court normal. Comme si de rien n'était. La magie avait disparue toutefois.
La bella vita était devenue la vie, sans plus. Un mariage routinier, sans flamme, sans cette étincelle qui avait fait croire en l'amour la petite Mafalda. Ces deux êtres qu'elle avait cru autrefois âmes-sœurs étaient devenus au fil des ans des inconnus vivant sous un même toit.
Puis, des années plus tard, la flamme s'était rallumée, sous forme d'un brasier consumant tout sur son passage. Un raz-de-marée, le 12 janvier 2004, date fatidique où tout s'était réellement écroulé pour Mafalda. Une porte entrouverte, une oreille pendante et des mots sans équivoque. Elle avait une sœur. Une demi-sœur. Là-bas, en Italie, vivait une autre jeune fille à demi Cavalere. La mère, une amie d'enfance de son père. Une amourette de gamins s'étant transformée en aventure adultère pour ces deux basherts qui avaient tout saccagé dans leur vie afin de vivre une brève idylle sans lendemain.
La pauvre Brigitte avait trouvé un faire-part de naissance, ainsi que quelques photos de cette enfant, née de cette union maudite. Elle avait également trouvé ces lettres passionnées, dont elle n'avait compris que quelques mots en italien, ces quelques surnoms que lui donnait son homme, des mots d'amour. Elle avait toujours su qu'il l'avait trompée, mais n'aurait jamais cru découvrir l'existence d'une autre progéniture à l'autre bout du monde. Elle qui avait mis son orgueil de côté et avait accepté de reprendre cet époux qu'elle savait infidèle. Elle lui avait tout donné. C'en était trop.
***
L'amour était routinier, banal, il faisait mal. Il était cruel.
Les poings serrés, Mafalda regardait par la fenêtre de sa chambre, maudissant cet homme qu'elle avait aimé si tendrement toute sa vie. Cet homme qui avait trahi sa mère. Cet homme qui ne méritait pas l'amour qu'on lui portait. Et c'était à cette même fenêtre, éclairée par la douce lumière diaphane de la lune, qu'elle se jura de ne jamais chercher son âme-sœur. Elle se refusait cet amour destructeur. Elle ne voulait pas d'une vie dictée par la passion qui se fout de tout. Non, elle vivrait comme elle l'entendrait, sans attache, sans amours sérieuses. Elle ne voulait plus de cette souffrance, de ces larmes. Elle ne voulait pas devenir sa mère.
Les années suivantes, Mafalda avait suivi un parcours typique d'adolescente moyenne. Elle réussissait à l'école, sans plus, elle rentrait à la maison puis s'enfermait des heures durant dans sa chambre. On mettait ça sur le dos du divorce, une sorte de rébellion, en plus de son âge ingrat, son besoin d'autonomie, sa frustration de changer de maison toutes les deux semaines pour aller chez un de ses parents, et tout le bla bla. Oh oui, elle se rebellait. Elle créait, elle écrivait, elle peignait. Toutes ces émotions qu'elle ressentait se transformaient en quelque chose de plus beau, de plus noble. Plus le temps passait, plus ses habilités se développaient. Elle en était venue à partager son art sur la toile, avec l'avènement de
Tumblr, de
Facebook et d
'Instagram. Les médias sociaux lui donnaient des ailes. Elle avait également découvert sa passion pour l'écriture. Si autrefois, elle rédigeait religieusement un journal avant de se mettre au lit, c'est des dizaines et des dizaines de pages
Word qu'elle remplissait désormais de mots formant l'histoire d'un, puis de deux, puis de dix personnages de fiction. Elle écrivait en français, en anglais puis en italien. Les forums étaient pour elle un tout nouveau monde qui lui permettait d'échanger avec des auteurs de partout dans le monde. Et même, elle y avait rencontré une amie qu'elle qualifierait
« d'âme-sœur rpgique », une jeune fille qui l'encourageait à poursuivre ses études en art, à suivre sa voie. Oh Anna, cette douce amie rencontrée sur un forum
rpg italien
Il Trono di Spade. Mafalda ne croyait plus en l'amour, mais voilà que cette Anna lui avait offert quelque chose d'encore mieux, une amitié profonde, sans jugement. Elles se comprenaient si bien, malgré leur différence d'âge de sept ans, autant dans leurs échanges sur les forums que sur
MSN. En l'espace de quelques mois de communication, Anna était devenue sa confidente, une de ses meilleures amies. Les deux jeunes filles s'étaient même fait la promesse de se visiter l'une l'autre, quand elles auraient les sous.
Pourtant, les mois étaient passés et elles ne s'étaient toujours pas rencontrées. Les aléas de la vie, tout comme leur différence d'âge, avaient eu raison de leur relation qui se limitait désormais à quelques messages par-ci par-là, pour les grandes occasions.
***
L'amour de l'art, c'était tout ce qui lui permettait de s'exprimer et de vivre pleinement. C'était ce qu'elle voulait faire de sa vie, être artiste. Pourtant, ils ne voulaient. Ni son père, ni sa mère. On la voyait professeure, avocate, infirmière. On voulait faire d'elle une femme accomplie qui entre dans le moule du conformisme ennuyant de notre société. Son coeur, son âme, tout son être se battait contre cette vie qu'elle n'avait pas choisie. Elle ne serait pas pleine de regrets comme la regrettée
nonna Vittoria. Non, elle ne vivrait pas la vie de sa mère non plus. Elle voulait être Mafalda, vivre selon ses propres règles.
Son plan était parfait, sans faille. Elle était une adulte, elle pouvait faire ce qu'elle voulait. Un mensonge, un tout petit mensonge de rien du tout. Ses parents la croyaient en école de droit, elle était en école d'art. Et tout allait pour le mieux, ils ne se doutaient de rien. Ils n'avaient même pas levé le sourcil lorsqu'elle avait dit vouloir aller en Italie pour un échange scolaire d'un an. Les formulaires, le visa, les valises, les billets d'avion, elle y était. Mafalda était en Italie, à Firenze. Son rêve était devenu réalité : la liberté, la vie à l'italienne, l'école d'art, tout ce qu'elle avait toujours voulu! Ses parents finançaient même le voyage, une façon de l'encourager à suivre cette voie qu'ils lui avaient tracé.
Et le premier semestre s'était déroulé sans un problème. Puis, une semaine avant la rentrée en classe lors de son second semestre, un bout de papier était venu mettre une ombre au tableau : une copie de son reçu d'assurance sur lequel se trouvait un nom qui vendait la mèche,
l'Accademia di Belle Arti di Firenze. Une discussion
skype plus tard, Mafalda n'avait plus les moyens d'aller en cours. C'était les pieds lourds et le coeur en miettes qu'elle s'était rendue à l'administration de l'école pour mettre fin à son inscription. Et c'était, deux jours plus tard, les yeux remplis de larmes, qu'elle s'était mise à remplir ses valises, suite à un appel lui expliquant sa nouvelle situation : visa d'études interrompu.
Trente euros en poche, deux valises contenant toutes ses possessions, un chevalet et un billet de train vers Vérone, c'est tout ce qui lui restait. Anna s'était souvenue de leur amitié et avait décidé de l'inviter chez elle quelques jours. C'était parfait, juste le temps de se remettre de ses émotions. Mafalda lui avait dit qu'elle venait de rompre avec son petit-ami, ça expliquerait les larmes qui couleraient. Elle ne voulait pas avouer être une sans papier. Elle ne voulait pas causer d'ennui à son amie. Elle trouverait une solution à Vérone. Elle trouverait une nouvelle vie à Vérone.
; le plus souvent possible, mais pour ce qui est du rp, ce sera une fois aux deux semaines!