Il n'avait pas souvent eut l'occasion de quitter les Etats-Unis, ou, en tout cas, de vivre en dehors de son pays natal. Quand il s'agissait de tournages, il se pliait à un emploi du temps des plus exigeants sans broncher, et pour les promotions du film, il ne s'agissait en réalité que de passer une soirée quelques part avant de repartir aussi sec à la maison. Aussi, Alex ne s'était jamais réellement rendu compte qu'il souffrait de Jet Lag. Maudit décalage horaire qui le privait de sommeil à une heure pareille. Le soleil se levait à peine - et il pouvait disserter pendant des heures, il n'en doutait pas, sur ce levé de soleil si différent de tout ce qu'il avait toujours connu- et il ignorait s'il était trop fatigué, ou trop en forme pour dormir. Arrivé depuis peu, il n'arrivait pas à s'habituer à cette vie en décalé et était ravie que son frère ne soit pas la pour rire de ses insomnies et des magnifiques cernes qui naissaient sous ses yeux. Voilà deux heure qu'il tentait de faire fonctionner la télévision de l'appartement où il s'était installé, zappant de soaps italiens auxquels il ne comprenait pas un mot, en télé-achats avant de tomber, enfin, sur une chaine en anglais. Une chaine d'information. Mais c'était mieux que rien. Entendre et surtout comprendre était apaisant et, avant même qu'il s'en rende compte, il s'était assoupi, Loki ronronnant gentiment à ses pieds. Lorsqu'il rouvrit les yeux, quelques heures plus tard, il avait l'impression d'être passé sous un semi-remorque. L'écran diffusait les images d'un festival en Angleterre auquel il ne prêtait pas grande attention et qu'il se hâta d'éteindre. Se lever fut, en revanche, une épreuve: des courbatures lui cassaient le dos et ses bras étaient si engourdis qu'il eut l'impression de ramper jusqu'à la douche en une masse  qui était proche du mort-vivant que de l'acteur au sommet de sa gloire.

Ce fut qu'en sortant de la douche qu'il remarqua la masse devant son immeuble. Il épongeait ses cheveux avec une serviette, profitant de la magnifique vu qu'il avait, quand il les aperçut. Il soupira, levant les yeux au ciel, exaspéré. Encore une chose à laquelle il ne parvenait à se faire ... La présence de tant de photographe ne pouvait vouloir dire qu'une chose. Enfin une bonne nouvelle, se surprit-il à penser. Il mit de l'eau à chauffer pour deux, de toute façon, il ne pouvait pas sortir sans boire son café habituel ! A peine avait-il sortit des tasses que son invitée se fit entendre par la sonnette de la porte d'entrée. Il posa ce qu'il avait dans les mains pour aller ouvrir: il laissa quelques centimètres, à peine de quoi laisser à sa fausse petite amie la place d'entrer. Il passa la tête par l'ouverture et lui fit un sourire espiègle Désolé lui chuchota-t-il Mais s'ils voient la manière dont je suis "habillé" je pense qu'on va en entendre parler longtemps. Sa main attrapa l'avant bras de la demoiselle et la tira à l'intérieur, guettant que personne ne les espionne dans le couloir avant de refermer la porte. C'est à croire qu'ils sont encore plus virulents depuis que je suis arrivé. dit-il, une once de rire dans la voix. Il était un peu nerveux: la présence de tant de paparazzi le mettait sur les nerfs. La laissant quelques secondes, il se dépêcha de trouver un tee-shirt qu'il enfila, au cas où certains soient tentés par l'escalade. Tu veux boire un truc ? lui cria-t-il depuis la salle de bain.

Alex ne put s'empêcher de ricaner en imaginant une multitude de tentes installées sous les fenêtres de Winnie: la célébrité avait son revers de la médaille, mais il devait admettre que parfois, la course au scoop était telle qu'il les trouvait bien ridicules. A son arrivée à l'aéroport, dans un avion plein d'anonymes, il en avait surpris quelques uns avec des tabourets au dessus de la masse de familles et amis venus récupérer les leurs. Il ignorait si cela contribuait à le faire se sentir entouré ou, au contraire, accentuait le sentiment de solitude qui lui pesait depuis qu'il était loin de sa propre famille. Ils attendaient peut être que je vienne jouer les Roméo sous ta fenêtre ... Mince j'aurai du y penser plus tôt ! lui répondit-il avec un air semi-sérieux, conscient que, au delà d'exciter un peu plus l'attention de leur fans, cela serait fortement parodiable de part l'endroit où ils se trouvaient désormais. Ils étaient bien loin du petit couple d'acteurs qu'on voit partout: le fait de partir vivre en Italie près d'elle, de quitter les strass et paillettes des blockbusters américains et des soirées new-yorkaises donnait une allure plus romantique à cette pseudo idylle. Ils avaient signé pour et, il devait bien l'admettre, ils jouaient très bien le jeu. C'était sans doute leur bonne entente naturelle, le charme de Vérone et sans doute, beaucoup de fantasme de la part des lecteurs de magasines people, qui faisait que le plans de leurs agents marchait si bien, mais il n'avait pas à se plaindre: Winnie était sympa et loin d'être désagréable à regarder. Même s'il se disait que les regard enamourés de la demoiselle n'était que du flan, de la poudre aux yeux pour tromper les paparazzis, il devait admettre qu'il se laissait presque avoir. La dernière fois qu'ils avaient eut un "rendez-vous" - entendons par cela, une rencontre très organisée et millimétrée à la seconde près - il s'était tellement pris au jeu, qu'en lui disant au revoir, il avait presque eu l'impression que tout était réel: il ne parvenait à distinguer le vrai du faux et ne dut son salut qu'au flash d'un photographe le ramenant à la réalité. Et la réalité, elle était loin d'être belle. Depuis Lori, il ne croyait plus à rien. Il se laissait volontiers guider au travers de relation plus ou moins amicales avec des gens sans parvenir vraiment à s'y investir, éternellement déçu de ceux à qui il faisait confiance.

Et pourtant, comment ne pas s'attendrir face à la vision qu'il avait en revenant dans la pièce principale. Elle était là, accroupie face à un Loki des plus heureux. Espèce de traitre ! pensa-t-il en le voyant ronronner comme jamais, si même le chat s'y mettait ... Versant rapidement ce qu'il fallait dans les tasses, il revint vers elle, lui tendant la sienne avant de foudroyer le félin du regard: ce dernier ne semblait avoir besoin d'aucun traducteur pour comprendre ce qu'elle racontait, quand lui même avait un mal fou à apprendre les formules de politesses les plus simples. Maudit anglais. C'était à la fois sa chance et son malheur qu'il s'agisse de la langue universelle. Il y mettait pourtant du sien, mais était trop gêné pour baragouiner plus de deux mots en italien. Ça a été pour sortir ? demanda-t-il pour briser le silence qui s'était instaurer depuis le départ du chat, et qui commençait à le mettre mal à l'aise. Je veux dire ... Il y a un kit de survie contre le paparazzi ou ... On s la joue "pauvre petit couple harcelé" ? Il avait hâte de quitter cet appartement. Même si c'était Lucrezia qui le lui avait trouvé et aménagé avant son arrivée, il ne supportait plus de rester enfermé ici et vivait la proposition de Winnie comme une libération bienvenue.

Il se retint de conclure sur l'originalité de la proposition, à vrai dire, c'était une une de magasine qu'il avait pu lire dans l'avion, avant son départ. Après ce film dans lequel ils avaient joué, leur faux couple avait embrasé les foules et on ne parlait que de ce merveilleux geste d'amour de la part d'un pauvre garçon des Etats-Unis, devenu star, allant rejoindre sa dulcinée à l'autre bout du monde car ne pouvait se passer d'elle. Ouais, Winnie était sympa, mais ce genre de gros titre le faisait rire jaune. L'amour n'existait pas. Enfin, pas pour tout le monde. Certains privilégiés y avaient droit, mais la majorité des gens ne ressentait rien d'autre que de l'amitié et une profonde terreur à l'idée d'être seul qui leur donnait l'impression d'être totalement sous le charme de la première personne qui croisait leur chemin, et qui était un peu à leur gout. C'était une vision très négative des relations amoureuses, il le savait. Ben lui avait déjà fait la morale la dessus quand Lori l'avait quitté. Il en était arrivé à un point où sa vie semblait être l'un de ces rôles que Lucrezia lui proposait sans cesse: il avait de plus en plus de mal à démêler le vrai du faux, cherchant, parmi tout ce qu'ils faisaient pour satisfaire leurs fans, les journalistes et tout le monde, la petite parcelle de vérité. Le chat lui donna l'occasion de s'extraire de ses sombres pensées et d'oublier, pendant un temps du moins, que sa vie était loin d'être celle dont il avait pu rêver. C'était étrange cette relation qu'il avait avec Winnie. Pas dans le fond: tous deux savaient à quoi s'en tenir -enfin, il tentait du moins- mais fréquenter une étrangère avait quelque chose de déroutant. Il se reprit un instant, pensant avec justesse que, dans ce cadre, c'était lui l'étranger. Il avait souvent entendu Lucrezia pester contre "ces fichus américains qui ne savent rien parler d'autre que l'anglais", et pendant une seconde, il s'en voulut. C'était elle qui faisait tous les efforts pour se faire comprendre et il se contentait de se plaindre des émissions locale qui étaient diffusées dans une langue qu'il ne comprenait même pas. Qu'il se sentait con. Et un peu content, malgré tout, de voir qu'elle ne le laissait pas à son pauvre sort. Il l'avait tout de suite apprécié, sur le plateau. A vrai dire, quand un script impose une romance, autant s'entendre avec sa partenaire. Mais Winnie avait ce petit quelque chose qui le faisait sourire. Elle avait beau être plus jeune que lui, elle dégageait une aura de confiance qui le faisait sourire. Quand il avait débarqué à Vérone, il avait, un instant, craint qu'elle ne le laisse, qu'elle attende les sorties programmées par leurs agents pour s'afficher à son bras avec un sourire de starlette et faisant croire à son bonheur total. Mais elle n'était pas comme ça. Bien sur, cela rendait leur jeu encore plus réel à des yeux extérieurs, mais Alex appréciait. Loki. Comme le dieu fripon de la mythologie nordique. En fait, il fait énormément de bêtises ... D'où son nom. expliqua-t-il en se grattant nerveusement l'arrière du crâne. On lui avait souvent demandé si le nom de son chat venait du super-vilain de la licence Marvel et, avec honte, il devait admettre qu'il n'était pas très cinéphile - comble pour un acteur - surtout en ce qui concernait les films récent. Fais attention, tu risquerais de ne jamais repartir avec lui: s'il t'adopte, tu deviens sa chose. J'ai honte de le dire, je suis moi-même l'esclave de mon chat. C'était vrai: il en était fou. La plupart des photos de son téléphone étaient des photos de Loki dans diverses situations qu'il trouvait adorable.

Le brouhaha extérieur était insupportable. Alex ne doutait pas qu'en d'autre occasions Vérone soit plus calme, mais les disputes des photographes à la recherches de la meilleure vue sur la baie vitré l'agaçait. Il n'était pas encore habitué à avoir si peu d'intimité et les paroles de la rousse ne le rassurèrent pas vraiment. Tu aurais peut être du ... marmonna-t-il plus pour lui même que pour lui répondre A chaque fois qu'un paparazzi est écrasé, un bébé loutre est sauvé. tenta-t-il d'une voix très sérieuse digne d'un spot publicitaire de sensibilisation avant d'éclater de rire. D'ordinaire, l'humour noir n'était pas son genre, mais il devait admettre qu'il ne dirait pas non à un peu de calme. Les précision de la jeune femme l'éclairèrent en ce sens. Et bien, j'en connais qui vont être ravies. Il pensa immédiatement à Lucrezia qui l'encourageait, depuis plusieurs jours, à harceler Winnie pour montrer à tout Vérone que leur histoire était du sérieux. Alex s'y refusait: dans une vraie relation il n'aurait jamais fait ça, il n'allait pas commencer maintenant. En tout cas, je te fais confiance pour me montrer les bonnes adresses ... Et si tu arrives à les semer ... Je te bénirais jusqu'à la trente-sixième génération ajouta-t-il avec un sourire moqueur.

Comment imaginer tout cela ? Comment aurait-il pu croire, quelques années auparavant, qu'il viendrait vivre ici ? Si loin de tout ce qu'il avait toujours connu ... Comment aurait-il pu imaginer sortir avec l'idole des posters qui tapissaient les murs de la chambre de sa petite soeur ? Tout s'était passé si vite. L'année dernière encore, il venait à peine d'être sélectionné pour le rôle et les voilà à parler félin dans le salon de son propre appartement. S'il avait su que Loki deviendrait son instrument de drague, il l'aurait mit au boulot bien plus tôt !! La boule de poil finit par retourner à sa place fétiche: sur le canapé. Il n'avait jamais été chez Winnie, à vrai dire c'était l'une des premières fois qu'ils se voyaient depuis son arrivée. Il imaginait tellement bien la fameuse lande pour animaux abandonné qu'était son chez elle, enfin, d'après ce qu'elle décrivait. C'était ça qu'il aimait bien chez elle, elle était tellement loin du cliché de la starlette en vogue: elle n'était ni superficielle, ni à la recherche des projecteurs, c'était une fille simple, pleine de bonnes intentions. La discussion tourna court et le signal fut donné. Il eut du mal à cacher sa surprise lorsqu'elle attrapa sa main mais eu tout juste le temps de fermer la porte avant de la suivre dans le couloir. Alors ? Par quoi on commence au juste ? Je t'avoue que je suis ravi de cette petite escapade ! J'en avais marre des téléachats ... Alors qu'ils atteignaient le hall d'entrée, il prit une profonde inspiration. Il n'était pas vraiment rodé à l'exercice et tout ces flashs dans ses yeux lui donnaient des crises d'angoisse terrible.

Quand faut y aller ... soupira-t-il avant de tirer la porte à lui pour laisser galamment passer Winnie en premier. C'était comme il s'y attendait, une jungle d'appareils auxquels il se forçait à sourire. Mais oui, mais oui ... grogna-t-il à voix basse avant de faire un sourire forcé. Il mit son bras autour des épaules de Winnie et tenta de se frayer un chemin à travers les corps entassé pour les prendre sous leur meilleur profil. C'est maintenant qu'il faut jouer de tes talents princesse ... lui chuchota-t-il avec un espoir sans nom.