Le Deal du moment :
Cartes Pokémon : la prochaine extension ...
Voir le deal

Anonymous

Invité

vinea + a million miles
Mar 21 Juin - 15:02


I was wondering if after all these years
you’d like to meet, to go over everything. They say that
time’s supposed to heal you, but I ain’t done much healing

Le tissu s’élève, ondule telle une vague immaculée, et sous la toile se dessine l’ombre des souvenirs qu’il aurait voulu oublier. Il a la mine inhabituellement dure, Vincenzo ; les traits tirés par des nuits sans sommeil et gravés du sérieux qu’il ne réserve d’ordinaire qu’à ses heures de travail. Cerné par la poussière d’une ère révolue, par les fantômes d’un passé perdu et d’une relation déchue, il s’accorde juste un instant pour contempler les vestiges de sa vie rêvée.

Juste un instant : soixante secondes pour reconnaître qu’elle est partout, Tea. Partout au creux de ses murs et – merde – partout dans les lambeaux d’un cœur qu’il pensait rafistolé. C’est l’effet qu’il espérait éviter, pendant ces années passées à négliger l’appartement où ils ont effleuré le bonheur : les questions sans réponses resurgissent et avec elles la rancune et la trahison et la peine. Bon sang, il allait bien pourtant. Il allait vraiment bien il y a trois jours, avant de se résoudre à remettre les pieds ici. Il allait tellement bien qu’il en avait sous-estimé plaie béante cachée sous la surface. C’est pas sensé faire mal comme ça, l’amour et autres idioties du même acabit. Mais il a un don pour les histoires impossibles, sûrement. La fiancée de son cousin d’abord, puis une escroc ; peut-être a-t-il commis un impair et fâché le destin ? Ou peut-être s’est-il trop souvent callé des gouttes de champagne derrière l’oreille pour appeler la richesse, sans jamais trop se soucier des rituels supposés garantir une relation heureuse. Soixante secondes intenses et ravageuses comme une tempête.

Et puis l’indésirable ressenti s’échoue sur les rocs que sont ses résolutions, reflue. Le temps reprend son cours, le présent sa course, et Vince secoue sa carcasse figée pour se remettre en action. Ouvre les fenêtres, laissant les coups de klaxon et le raffut assourdissant d’une circulation incessante envahir son espace et ses pensées. Un rayon de soleil inonde l’immense appartement abandonné, révèle les richesses restées plongées dans la pénombre trois ans durant. Don’t dwell, qu’il se dit, encore et encore, inflexible. Allez de l’avant, il ne pense plus qu’à ça à présent, motivé par l’angoisse qui l’a pris à la gorge à l’idée d’affronter son échec et de tourner la page, enfin. Don’t dwell, qu’il se répète. Et ses gestes sont rapides et efficaces lorsqu’il s’arme d’un carton, s’attaque aux étagères, vide, stocke, balance tout ce qui lui tombe sous le coude. Et c’est cathartique, à vrai dire, que d’expier le tumulte qu’il a si souvent étouffé. L’orage n’est plus en lui – il s’approprie l’appartement qu’il vide, vide, vide, et tandis qu’il efface tout ce qui composait sa vie avec Tea il se réjouit de se sentir peu à peu plus libéré qu’atterré.

Il y a un tas qui s’amoncelle et qui le fait tiquer. Tout est classé et ordonné, bien qu’une part de lui persiffle qu’il pourrait bien tout foutre en vrac. De la pointe d’un feutre, il trace Teodora sur la surface du carton dans lequel il assemble ce qui est à elle. Elle n’a rien réclamé bien sûr, elle n’a rien dit, rien expliqué, elle s’est juste barrée comme une voleuse, les poches pleines d’argent sale et ses sentiments broyés sous chacun de ses pas. Alors il n’y met pas plus de formes qu’elle, lorsqu’il attrape son téléphone pour pianoter sans grands égards :


Je vide l'appart'.
Tu récupères ton foutoir ou je jette le tout, J-2.

Et il essaye vraiment de ne pas se désoler du naturel avec lequel ses phalanges recréent le numéro effacé de son répertoire depuis si longtemps.
Anonymous

Invité

Re: vinea + a million miles
Mar 21 Juin - 19:59


Je vide l'appart'.
Tu récupères ton foutoir ou je jette le tout, J-2.

Elle arque un sourcil, fait la moue, fronce du nez. Le destin fait bien les choses, parfois (souvent): il n'y a pas une semaine, elle pensait à Vince, à cet appartement et à ce fameux foutoir, ces affaires qu'elle avait semé ici et là quand ils étaient ensemble, sur l'impulsion du jeune homme. Et puis, tout était toujours de son impulsion, n'est-ce pas? Tout était toujours sous contrôle, réfléchi, calculé, pesé et soupesé; Vincenzo était un control freak, un connard et certainement la pire chose qui lui soit jamais arrivée. Et non, ce n'était pas sa mauvaise foi qui parlait: Tea n'avait qu'une foi, et cette foi était en Dieu.
En Dieu et ce foutu destin qui lui met encore le Del Vecchio sur le chemin. “ Tout va bien? ” lui demande doucement Horatio en tournant vers elle un regard curieux, apparemment surpris du brusque changement d'humeur de la jeune femme. Ils sont entassés-entremêlés sur le canapé du l'appartement du jeune homme, profitant pour elle de son jour de congé et pour lui d'un rare moment de tendresse (Tea est une femme occupée, entre le boulot, ses obligations ailleurs, s'assurer que toute sa petite famille allait bien, le boulot qu'elle rapportait à la maison et le reste), regardant une série télévisée stupide sans vraiment la suivre — après tout, les ventilateurs hurlent trop fort à leurs oreilles pour qu'ils puissent même entendre les paroles des personnages stupides. “ Rien, un truc de boulot. Je... dois y aller, ” finit-elle par dire, hésitante, ressortant son téléphone de sa poche pour envoyer une réponse rapide à Vincenzo (elle ne va même pas avoir l'audace de ne pas avoir reconnu son numéro, le ton du message et son propos étant plus que clairs eux aussi).

Je suis dans le coin.
Je peux passer dans 20min?

Elle n'est pas du tout dans le coin, elle est même à l'autre bout de la ville. Mais au mieux elle sera en retard et ça va lui faire les pieds, à Vincenzo, de l'attendre en battant du pied parterre. Tea n'est pas quelqu'un de foncièrement méchant, elle est juste quelqu'un de retorse et de petty, trouvant ses vengeances dans des petits actes de guerre dissimulés sous une couche de sourires hypocrites.
Elle se lève brusquement, saute sur ses pieds, prend les clefs de la voiture d'Horatio et une veste qui lui appartient. Tiens, ça aussi ça lui fera les pieds! “ C'est mon blouson! ” Tea hausse les épaules. Elle est tentée, un moment, de lui proposer de l'accompagner: Vince détesterait. Mais elle n'a pas trop envie, bizarrement, que son ex rencontre son actuel dans ces circonstances-là — qui seraient pourtant jouissives. Horatio a des gros muscles mais il a aussi une grande gueule, quand il veut. “ Je t'envoie un texto tout à l'heure, ” dit-elle d'un ton empressé en guise d'au revoir, alertée par son téléphone qui vient de sonner avec la réponse de Vince.

La circulation de Vérone étant ce qu'elle est, elle arrive avec une heure de retard dans une voiture qui n'est pas la sienne devant un immeuble qui n'est pas le sien. Elle a eu le temps de ruminer, Tea, en conduisant, en gueulant sur des taxis trop lents et des touristes trop empressés. Ça fait deux ans qu'elle n'a pas vu Vincenzo. Il aurait pu lui envoyer ses affaires dans une jolie boîte, les déposer à sa porte, les jeter sans rien lui demander, en parler à Flavio, même (elle l'imagine bien capable de telle couardise); mais non. Pourquoi maintenant?
C'est avec de l'acier dans la mâchoire et des éclairs dans les yeux que Tea sort de la bagnole de son mec et va sonner à l'interphone, regrettant presque un instant de ne pas avoir gardé son double de clef pour lui faire un énième pied-de-nez. On décroche. “ C'est moi. ” La porte s'ouvre, elle montre les escaliers quatre-à-quatre, pénètre dans l'appartement par la porte entr'ouverte et-
C'est comme entrer dans une arène. Elle l'observe lui, puis l'appartement. Ils se sont aimés sur ce meuble. Ils ont manqué de perdre chacun un orteil en assemblant celui-ci. Ils ont menacé de se lancer ce tas d'assiettes au visage. Il y avait dans ce tiroir sa collection à elle de capsules de bouteilles de Coca. Sur cette commode, il mettait toujours son vide-poche stupide.
Puis ses yeux se braquent à nouveau sur lui, qui semble si... étrange et étranger dans ces vêtements qu'elle n'a jamais vu, dans cet environnement soudainement alien et dérangeant. Il est beau, comme toujours. Toujours aussi blond, un rien plus dégarni, un rien plus dur aussi.
L'estomac de Tea se tord.
Elle pense- elle pense à eux. Ses mains, son corps, ses yeux, son coeur. Rosa. Rosa. Mécanisme de défense; ses mains disparaissaient à l'intérieur des manches de l'épais blouson en jean d'Horatio, elle en rabat les pans contre elle, voûte les épaules, détourne le regard. “ Il y a beaucoup de cartons? ” demande-t-elle finalement, brisant le silence, d'un ton complètement détaché et distant. Elle n'a rien de plus à offrir à ce bastardo.
Anonymous

Invité

Re: vinea + a million miles
Mer 22 Juin - 22:08


La réponse arrive bien plus tôt qu’il ne l’aurait attendue – et c’est un peu étrange. De se dire qu’elle n’a pas changé de numéro. Qu’elle n’a pas changé de ville, peut-être pas d’appart, qu’elle est accessible en théorie et pourtant si loin dans les faits. Vince secoue vaguement la tête pour chasser cette idée. C’est aussi surprenant, d’ailleurs, cette réponse immédiate, cet « heureux » hasard. Ou pas : il la soupçonne de le prendre comme un défi, et dieu sait que cette femme s’arme d’aplomb lorsque son esprit de compétition est titillé pour x raison. 20 minutes, tout à coup, ça semble trop peu, trop bref, et il bug un instant devant le combiné tandis que son propre geste impulsif se retourne contre lui. Il n’a pas envie de la voir.

Et pourtant, c’est un simple ok qu’il texte en retour plutôt qu’une potentielle objection, donnant son aval et refusant de laisser passer un trop long laps de temps avant de le faire, pour qu’elle n’aille pas croire qu’il est dépassé par la situation. Parce qu’il l’est aussi, Vince, sacrément orgueilleux. Ce que tout cela s’annonce awkward, vraiment. Rien que d’y songer, il marmonne son agacement dans la paume de sa main, qu’il passe sur son visage las. Et puis, en s’apercevant qu’il commence à tourner en rond et à s’impatienter lorsque les vingt minutes s’écoulent sans qu’elle n’apparaisse, Vincenzo retourne s’atteler à son tri pour s’occuper, les gestes rendus brusques par l’agacement. Il se souvient des étapes franchies et des pas progressifs, esquissés pour la pousser à se sentir chez elle, à s’installer. Il se souvient d’avoir opté pour cet appartement en guise de compromis, surtout : pas de villa, pas de maison de prestige ; mais tout de même un espace baigné de lumière, avec une chambre d’amis où accueillir leurs frères et sœurs en visite. Il se souvient des prises de tête pour se fixer sur le décor, charme à l’ancienne, chic et spacieux, mais loin des excès de luxe ultra moderne où elle refusait de se projeter ; cocon recelant d’objets chinés. Et s’il a semblé bien se satisfaire du compromis au bout du compte, il s’est tout de même bien gardé de lui dire que quelques-uns de ces meubles dénichés en brocante avaient été achetés avec un ou deux 0 de plus que le prix que le prix qu’il lui avait annoncé ; que quelques-uns des objets vieillots dont elle s’émerveillait de la qualité en dépit d’un prix dérisoire sont en fait des pièces de collection. Mais leur valeur, les quelques mois qui ont suivi, ont été plus émotionnelle que financière. Et tout cela n’a plus beaucoup de sens à présent qu’elle apparait sur le seuil, emmitouflée dans le blouson d’un autre, enrobée du parfum d’un autre.

Il l’accueille assis, se tourne vers elle brièvement pour lui adresser un hochement de tête ; avant de lui présenter de nouveau son profil, tandis qu’il s’attelle à envelopper avec soin une paire de lampes à huile romaines en bronze – excentricités qui ont baigné d’une lueur intimiste quelques-unes des soirées en tête à tête qu’ils parvenaient à s’accorder en dépit de leurs obligations respectives. Une part de lui s’attendait à ce qu’elle éprouve un minimum de honte, mais elle est drapée dans une fierté déplacée qui arrache au Del Vecchio un rictus écœuré. Il y a beaucoup de cartons ? Haussement d’épaules. Tout dépend de ce que tu veux garder. J’ai mis en boîte ce que tu as ramené, il reste à trier nos achats. Vaisselle, meubles, aménagement, literie. Et c’est curieux, ce choix de tout faire en personne. Il est un homme d’affaires, Vince, et habituellement notaires et professionnels sont toujours de la partie lorsqu’il est concerné. Tout est calculé, pesé, jusqu’au moindre euro laissé sur la balance. Mais il reste réticent à faire quiconque intervenir dans cette histoire. Peut-être parce que ça lui laisserait un sale goût de cendres sur la langue, d’expliquer à un étranger qu’il a mis trois ans à se remettre de s’être fait embobiner par une femme vénale. Ou parce que les souvenirs sont tout ce qu’il reste, et qu’il ne veut pas les salir, sachant pertinemment que s’il devait entrer dans le fond des finances, il y aurait ces acquisitions qu’il l’a laissée payer alors qu’il les avait déjà achetées au prix fort derrière elle ; il y aurait ces règlements de comptes inévitables et sans doute qu’elle aurait le culot de l’accuser lui de l’avoir manipulée elle. Et à vider les chambres, aussi, qu’il lâche avec un détachement absolument feint, un bouchon de stylo callé entre les lèvres tandis qu’il complète son inventaire – attribue un numéro au carton (10), répertorie son contenu et la pièce concernée (salle à manger). Il n’a pas attaqué l’espace chambres, parce qu’elle sera sans doute plus compliquée encore que le reste. Pour lui, du moins, songe-t-il avec amertume. Lassé de l’immobilisme de Teodora, il finit par lui adresser un coup d’œil sceptique. Tu comptes te retrousser les manches un jour ou tu espères que la force de ta volonté suffira à déplacer les objets ?
Anonymous

Invité

Re: vinea + a million miles
Mar 5 Juil - 8:50


Tout dépend de ce que tu veux garder. J’ai mis en boîte ce que tu as ramené, il reste à trier nos achats. ” Nos achats — c'est bon, Tea est agacée. À ce prince briseur de coeur, elle a envie d'hurler: tu peux les garder, tes meubles et tes assiettes et tes décorations; peut me chaut; je n'en veux pas; ils me sont inutiles et sont simplement lourds de souvenirs désagréables. Et il pourrait avoir honte, au moins, la darder avec un peu de regret et d'embarras; ou alors lui offrir un mépris hostile, être entier dans son personnage de bastardo. Mais non, Vince lui adresse un regard distant et polaire, indifférent même, et Teodora n'a qu'une envie: briser ce masque, briser son dernier mensonges et le briser lui, comme il l'a brisée elle. “ Et à vider les chambres, aussi.
Les chambres. La chambre d'ami qu'il a accepté (non, qu'il a voulu) prendre pour les éventuels Silvola en perdition. Leur chambre à eux. Après l'agacement, c'est la tristesse qui se tisse sur les visages de Tea, alors que ses yeux s'abîment dans le détail de l'appartement et que la ritournelle recommence son chant insupportable dans ses oreilles: l'endroit où ils se sont aimés, où ils n'ont jamais pu se détester, l'endroit où ils ont vécu et l'endroit où Teodora s'était dit que, peut-être- - “ Tu comptes te retrousser les manches un jour ou tu espères que la force de ta volonté suffira à déplacer les objets ? ” Ses yeux bleus se braquent à nouveau sur Vincenzo. Sur Del Vecchio. “ Ne commence pas, ” dit-elle durement, en desserrant à peine les mâchoires. Elle regrette d'être venue, elle regrette qu'il l'ait invitée. Mais elle repense à ce qu'ils ont acheté ensemble (et quelque part, la part matérialiste d'elle dit: ce qu'elle a acheté) et peut-être que des choses pourraient s'avérer utiles... elle n'a pas l'occasion de gâcher, d'acheter, de perdre et de racheter comme lui, elle. Alors elle ravale le reste du fiel et de l'acide, fronce le nez, serre les dents et retire la veste qu'elle pose sur le dossier d'une chaise près de celle de Del Vecchio.

Elle soupire. Passe une main sur son visage et puis la glisse dans ses cheveux, pour en rassembler les mèches brunes et les attacher en queue de cheval, machinalement. “ Je m'attaque aux chambres, alors.Vu que t'es bien incapable de le faire. Elle se mord la langue, s'empare d'un carton vide et disparait derrière une porte. Elle plie et monte le carton, ouvre le premier tiroir et-
Ça fait comme un coup au coeur. Elle a envie de hurler et de le frapper et de pleurer, aussi. C'était comme ça, les premières semaines après la séparation. Ces envies de rage et de tristesse, et ce besoin intrinsèque de se relever, de se relever toujours, de garder la tête haute et froide. Elle se souvient avoir étouffé ses cris dans son oreiller et surtout, elle se souvient de la main apaisante de Flavio sur son épaule, sa nuque, ses omoplates. Sono qui. Je suis là.
Elle a les mains un peu tremblantes quand elle s'empare des premiers vêtements. Par mécanisme, elle déplie la chemise bleu clair abandonnée toutes ces années auparavant par Del Vecchio et doit réprimer un tout petit sourire. “ Vincenzo? ” Elle ne l'a jamais appelé Vincenzo. Del Vecchio, quand elle était énervée ou voulait l'énerver; Vince, toujours; Enzo, parfois. Elle se souvient particulièrement d'une fois- - non. Ce n'est pas important. Elle attend que le bastardo arrive jusqu'au pas de la porte et lui montre la chemise, trouée partout sur le torse comme un gruyère. Le bas de la chemise, on dirait presque de la dentelle. “ ‘ Les anti-mites sont toxiques et de toutes façons nous n'en avons pas besoin, ’ le cite-t-elle en imitant sa façon agaçante de parler avec ses mains et sa voix expressive. Elle arque un sourcil. Stronzate. Tu ne peux que te blâmer toi-même. ” Pour les mites mais aussi pour toi, pour moi, pour nous, pour ce qui aurait pu être ici et ce qui aurait dû être.
Elle repose la chemise, regarde les autres vêtements avec un rien d'espoir — en vain, ils sont tous ruinés et ce constat envoie à nouveau des étincelles rageuses dans les yeux de Teodora. Ses vêtements, ruinés...! Tout cet argent gaspillé! Évidemment, depuis, Tea en a racheté d'autres mais... quand même. Les pertes l'agacent, le fait que ça ne l'agacera pas, lui, l'agace et tout l'agace: elle a envie de s'enfuir en courant. Ses doigts s'attardent sur la seule chose que les mites n'ont pas ruiné sur cette commode, une photo encadrée posée au-dessus qu'elle s'est interdite de regarder en entrant dans la pièce.
Ils étaient heureux, se rappelle-t-elle. Très heureux. Ou en tout cas ils semblaient l'être, avec Del Vecchio qui sourit avec ses bras passés autour de sa taille et elle qui fait mine d'essayer de se défaire en riant aux éclats, les pieds dans l'eau de la fontaine. La photo est floue, imprécise et mal éclairée; mais leur bonheur transperce les yeux. C'est pour toutes ces raisons qu'elle a un ton indifférent lorsqu'elle prend la parole: “ Tu veux garder le cadre?
Anonymous

Invité

Re: vinea + a million miles
Ven 8 Juil - 21:59


C'est tout une épreuve que de maintenir une façade distante alors qu'il se sent bouillir de l'intérieur — Vince n'a jamais été de ceux qui briment leur tempérament et gardent leurs émotions sous clés. Il est l'impulsivité incarné, la colère brûlante bruyamment expiée et tout aussi vite oubliée.

Mais elle a cet horrible effet sur lui, Tea. Après l'avoir rendu meilleur elle fait de lui un être immonde, boule de nerfs et de rancoeur, et une part de lui voudrait lui mettre le coeur en pièce pour lui faire goûter à sa propre médecine. Figé dans une rage qu'il pensait enterrée, il s'écoeure. Ce n'est pas lui, ça. Et pourtant il peine à déterminer s'il souhaiterait être le plus valeureux d'entre eux ou plutôt le plus apte à se montrer cassant, blessant, comme ce personnage de saga fantastique dont elle parlait parfois. Comment s'appelait-il, déjà ? Dragon quelque chose ? Il fronce le nez tandis que, posant la boîte au sol, il soulève un nuage de poussière qui lui irrite les muqueuses et le fait éternuer. Ne commence pas, qu'elle assène fermement quand il se tourne vers elle, cédant à l'impatience et oubliant de se prétendre indifférent. Et elle lui sert ce regard désapprobateur, celui qui domptait autrefois son tempérament et lui faisait troquer son élan contre un air bougon après seulement quelques instants d'affrontement visuel. L'espace d'une seconde il détourne les yeux en se frottant la nuque, une moue d'enfant vexé tatouée sur les lèvres, parce qu'interrompu avant d'avoir pu exprimer tout l'agacement qui l'étrangle. Et puis la suivante il cligne des paupières, comme pour s'arracher à une parenthèse dans l'espace-temps et se raccrocher au présent. C'est fou comme elle a toujours eu cette capacité à le faire reculer, lui l'homme d'affaires qui affronte pourtant quotidiennement des requins de la finance sans céder une once de terrain — le constat n'est plus aussi amusant (attendrissant) qu'avant. Et puis — bon sang, pourquoi réagit-il comme à l'époque où il devait encore faire des concessions ? Il ne lui doit rien. Je m'attaque aux chambres, alors. Sans état d'âme. Il serre amèrement les lèvres, fronce les sourcils. Fais donc ça, force-t-il à voix basse hors de la barrière de ses lèvres en se détournant d'un mouvement impoli qui lui aurait valu un un déluge de reproches de la part de sa grand-mère.

Mais c'est tout ce qu'il peut faire pour ne pas se laisser submerger, et quand elle quitte la pièce Vince se laisse retomber assis sur le siège qu'il a placé au milieu du salon ; coudes sur les genoux et visage caché entre ses mains pour rassembler un peu de sang-froid.

C'était définitivement une erreur. Too much, too soon. Mais il est un peu tard pour les regrets, n'est-ce pas ? Il reprend sa tâche là où il l'a laissée, les gestes mécaniques et énergiques mais l'esprit ailleurs, jusqu'à ce que — Vincenzo? L'interpelé soupire de mauvaise grâce, la rejoint d'un pas on ne peut plus réticent, s'appuie contre le chambranle de la porte, bras croisés. Che vuoi ? Et devant lui elle brandit les restes d'une chemise qu'il ne se souvenait même pas de posséder. Stronzate. Tu ne peux que te blâmer toi-même. Il étudie curieusement le tissu... et puis hausse les épaules, pas plus ému que ça. Il y a beaucoup de pertes ? qu'il demande en se redressant pour venir se poster derrière elle et jeter un coup d'oeil par-dessus son épaule sans rien toucher. Elle lâche la chemise, sort d'autres vêtements, tous en piteux état, et ses tours de bras se teintent d'un énervement qu'elle ne formule pas à voix haute mais que la tension de son dos exprime pour elle. Vince place maladroitement les mains à la base de sa nuque et exerce une légère pression, des doigts et du talon de la main, à deux reprises avant de l'écarter de devant le tiroir ouvert. Ce n'est pas si grave. Honnêtement, tu te souvenais de tout ça ? Pour dédramatiser, il attrape ce qui dans une autre vie devait être une chemise de nuit, coton bleu orné de... euh, d'oeufs couleur or affublés d'ailes ? Ah, vestige Potterien à tous les coups, suppose-t-il en fronçant légèrement le nez tandis qu'il tourne et retourne la tenue, mi-amusé mi-dépité par les goûts douteux de son ex en termes de pyjama. Il préférait le sexy, elle le confort. Tu ne la portais pas si souvent de toute façon. Mais il se mord la lèvre et son sourire s'efface sitôt la remarque formulée. Bien sûr que c'est vrai, et pour cause — quand elle quittait la salle de bains ainsi accoutrée et le rejoignait sur le lit, il ôtait ses lunettes de repos, posait son ordinateur portable et s'appliquait malgré ses plaintes à l'extraire de cette monstruosité, affirmant qu'elle heurtait ses pauvres yeux. Son regard bondit du col habimé aux yeux de Tea, légèrement écarquillés, semblant s'excuser muettement d'avoir évoqué les souvenirs tabous. Mais elle se retourne, un peu sèchement, comme lui tout à l'heure. Crispée de partout. Vince s'humecte les lèvres et ravale le malaise, retourne fourrager dans le meuble pour placer dans une caisse tout ce qu'il en extirpe. A jeter. Et puis se fige.

Tu veux garder le cadre? Il ne se retourne pas, ne regarde même pas, les yeux rivés sur une énième chemise. Une banale, tout aussi ruinée, et ça devrait lui être égal mais une émotion déplaisante lui court le long de l'échine et la façade difficilement maintenue se fissure. Celle-ci il y tenait, sans vraiment le savoir. Ça le frappe maintenant alors qu'il regarde le tissu délicat, satiné, qui coule fluidement entre ses doigt ; il la trouvait un poil trop efféminée cette tenue, ne la portait jamais. Et Tea se l'était appropriée parce que "c'était du gâchis" bien sûr et qu'elle détestait le gaspillage, mais aussi parce que "c'est fou ce que c'est agréable, touche". Et son sourire mutin, les coutures qui mettaient en valeur ses jambes nues, les manches trop longues qui couvraient ses mains à la moitié des paumes, le col ouvert qui laissait apercevoir sa clavicule. Les jeux de lumière quand elle bougeait les hanches — oh il la désirait tellement quand elle ne portait que ça. Ses vêtements, son odeur. Lorsqu'ils se disputaient et qu'elle était en tort, ils se faisaient la tête pendant des heures et au lieu de s'excuser, elle l'amadouait sans un mot, juste en déambulant ainsi vêtue, l'air de rien. Lorsqu'il se laissait accaparer par le travail qu'il ramenait, jusqu'à des heures indues, elle l'enfilait et le narguait de loin jusqu'à ce qu'il craque, se souvienne qu'ici il n'appartenait qu'à elle.

Et c'est ruiné — cette chemise est un symbole qui le forcé à assimiler que tout est perdu, réduit à néant, moisi, et il ne peut rien faire contre les rouages du temps. Cazzo, murmure-t-il pour lui-même, avant de le répéter avec plus de force, les bras tombant le long du corps, le vêtement fermement comprimé entre ses phalanges blêmes. Vague de colère inconsciente et il met un coup de genou dans le meuble branlant, qui en grince ; il regrette de s'être emporté aussitôt que l'articulation heurte désagréablement le métal de la poignée ouvragée. Crache une flopée de jurons entre ses dents crispées en clopinant sur sa jambe valide, s'assoit sur le lit en malaxant son membre malmené, un rictus dépité aux lèvres. La douleur reflue aussi vite qu'elle a été intense et il est reconnaissant pour une chose : elle a au moins eu le mérite de lui éviter une hémorragie lacrymale inconvenante. Je ne veux rien garder, répond-il finalement, à retardement, avant de rouler la chemise en boule et de l'envoyer rageusement dans le carton. Tu peux faire un feu de joie de tout ça, peu importe.  

Re: vinea + a million miles



vinea + a million miles
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut
Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
/LOVE :: Les archives du forum :: Les archives du forum :: Les RPs terminés-
Sauter vers: