wolff's law. la loi de wolff énonce qu'un os se forme et se résorbe en fonction des contraintes qu'il subit. tea, c'est la même chose. la vie s'est accablée sur elle, elle a beaucoup pleuré, beaucoup supplié, s'est beaucoup emportée. mais elle s'en est toujours sortie. toujours. détermination, courage ou force, c'est impossible à dire. une seule est certaine, pourtant, pour ceux qui la connaissent bien: tea n'abandonnera pas, jamais, avant d'avoir réussi ce qu'elle désire réussir. ‹o› puer aeternus. elle se sent idiote mais c'est plus fort qu'elle: tea a une âme d'enfant. elle s'émerveille devant les belles robes de princesse, s'amusent des bonbons trop sucrés, fait de grands yeux en regardant des films disney; bref. c'est une grande enfant parce qu'elle n'a jamais pu l'être: elle a toujours eu à s'occuper de son frère malade, de son frère plus jeune, de sa soeur plus jeune... bref, de tout, et elle n'a jamais pu s'abandonner à l'innocence. même si elle ne se permet pas de céder à ses propres désirs et caprices, elle a parfois le comportement d'une véritable femme-enfant. ‹o› cassandra metaphor. tea fait les choses comme elle veut, quand elle veut. elle déteste quand on lui dit quoi faire, elle déteste quand on la conseille, elle déteste prendre en compte les avertissements d'autrui: elle fait les choses à sa manière et si quelqu'un n'est pas satisfait, quelqu'un peut venir se plaindre. elle se débrouille tout le temps pour que personne n'en ait besoin, parce que tea n'aime rien plus que la perfection et la sensation du travail bien fait. travail accompli seule et sans l'aide de quiconque, merci beaucoup. ‹o› post-abortion syndrom. tea n'abandonne pas. rien. elle a pas pu abandonner l'enfant. quand elle a appris qu'elle était enceinte, à l'âge précoce de vingt-et-un ans, elle s'est dit: je peux le faire (rares sont les moments où elle s'est dit: je ne peux pas le faire. c'est dans sa personnalité, ce désir de tout bien faire, de surmonter tous les défis et de relever tous les paris). alors oui, elle a gardé l'enfant. sauf qu'il est mort, et qu'elle a failli passer aussi. accouchement prématuré: il aurait pu vivre, si seulement... tea n'arrive pas à vivre cette culpabilité. cette impression d'avoir pu mieux faire, d'avoir pu faire plus de choses. elle aurait pu prendre soin d'elle, de lui, de- elle n'y pense pas mais elle y pense tout le temps, à ce qui aurait pu être. la culpabilité fait partie intégrante de sa personnalité depuis ce jour funeste; elle n'a jamais oublié. on lui a dit qu'elle ne pourrait plus jamais avoir d'enfants alors tea reporte toute cette affection morte-née sur les autres gamins, avec une fascination douloureuse. ‹o› willis-ekbom disease. agitée. teodora est agitée. elle veut toujours avoir quelque chose à faire, quelque chose sur lequel se focaliser, se concentrer, quelque chose dans lequel se plonger. elle s'agite: le bout de ses doigts sur la table, sa jambe qui rebondit, ses dents qui jouent avec sa lèvre. et puis il y a autre chose: après tout, il y a une bonne raison pour laquelle elle adore son boulot si prenant. elle aime se mettre à 200%, tout le temps, comme pour combler le vide ou se concentrer sur autre chose: et si elle est épuisée, psychologiquement, à la fin de chaque journée, elle aime ça. ça lui permet de penser à autre chose, pendant quelques temps au moins. trop de choses se passe en même temps: le plus simple désir de tea serait d'arrêter le temps, juste une fois. mais même elle semble être incapable d'être immobile: elle déteste toutes les activités qui n'ont aucun incident, déteste prendre des bains qui ne servent à rien, faire des choses qui prennent du temps pour rien, bref, gaspiller du temps, la chose la plus précieuse à ses yeux. ‹o› abandonment syndrom. l'abandon, le gâchis, les pertes, la solitude: tout ça lui fait peur. elle déteste quand on gâche, quand on jette le contenu de son assiette sans l'avoir fini, quand on achète quelque chose d'inutile (à moins que ce soit pour faire plaisir à ses frères et soeur). elle a peur d'être abandonnée, mal aimée, laissée pour compte. elle a peur qu'on arrête de la prendre dans ses bras et d'embrasser ses lèvres. mais il y a ce truc, chez tea: elle ne le montre pas, et ne le montrera jamais. elle doit être forte, pour sa famille, pour sa propre fierté écorchée; elle doit être forte, garder la tête haute et droite, froide aussi. c'est un masque, tea le sait, mais un masque nécessaire. elle ne laissera jamais, ô grand jamais, ses émotions ou sa propre souffrance se laisser voir; elle ne peut pas se le permettre.

#1 Tea adorait ses parents. Sa mère était la mama italienne comme dans les livres et dans les films: toujours à s'assurer que ses chéris, ses enfants aillent bien, toujours à remplir leurs assiettes et leurs panses et toujours à les emprisonner dans des étreintes d'ours. Son père était un peu plus distant, mais pas moins affectueux. Dans l'ordre, la fratrie: Nevio, Flavio, Teodora, Alcide et Zoe. C'est un peu avant la naissance de Zoe que Flavio est tombé malade. Maladie prétenduement incurable, onéreuse, douloureuse. La famille a explosé. Tout le monde pleurait, hurlait, suppliait, essayait de marchander — mais rien n'y faisait. Tea a enterré son enfance et son innocence, Alcide s'est plongé de toutes ses forces dans ses études, sa mère s'est consacrée à Zoe et son père s'est enfoui sous des masses énormes de boulot... allant même jusqu'à effectueur quelques fraudes ici et là pour arrondir les fins de mois: le début de la fin. Il est tombé dans l'alcool, a commencé à frapper sa famille — Nev s'est toujours interposé pour éviter à ses cadets les coups de sang et de poing — jusqu'au fatal jour où Tea, alors âgée de quinze ans, a appris que ses deux parents étaient morts. Juste: morts. Nev a pris la fuite, Carmen a disparu et Tea s'est retrouvée seule, avec Flavio malade, Alcide perdu dans son monde et Zoe en bas âge. Ils ont été envoyés chez leur grand-père, dans la campagne sicilienne, et le cauchemar a commencé #2 Nevio est son frère aîné qui a disparu sans laisser de traces, qui a fini en taule et pour lequel Teodora nourrit une rancoeur amère sans raison réelle. C'est un peu compliqué, mais c'est juste que Nevio l'a mise dans des chaussures qu'elle n'a jamais voulu prendre. C'était lui qui était sensé s'occuper de la famille, lui qui était sensé rester. Sauf que voilà, il a fui pour des raisons que Tea n'a jamais comprise, alors qu'elle avait quinze ans et que leurs deux parents venaient de mourir. Alors au lieu de rester avec lui, ils sont allés chez un grand-père trop strict, ont vécu dans une pauvreté émotionelle et matérielle pendant des années. Et évidemment, il envoyait un peu d'argent (puis de plus en plus) et évidemment, c'était mieux que rien... mais la rancune de cette époque continue à infester le coeur de Tea. Enfin, il s'est fait chopé et il a fini en prison. Évidemment! Tea l'a haï pour ça, a refusé de le voir pendant des mois et des mois... avant de céder, seule, le visitant avec toute la rancoeur du monde dans le regard. Il l'a forcée à oublier l'enfance, l'innocence, l'inconscience, l'a forcée à être confrontée au monde à une période où elle n'avait pas les épaules pour s'en sortir seule. Mais elle l'a fait parce qu'elle est plus forte que ça, plus forte que lui, plus forte que tout. Des années plus tard, Nevio est de nouveau là, dans leurs vies, étant sorti de cabane: il vit avec eux, dans leur petit appartement de Vérone et même si encore, les regards de Tea sont remplis d'un fiel rancunier, elle ne peut pas rechigner à l'aide que Nevio lui apporte, bon gré mal gré. Elle a eu besoin de lui pendant des années... et maintenant il est là. C'est tout ce qui compte, n'est-ce pas? #3 Flavio pourrait être son frère jumeau. Ils ont seulement dix mois de différence et sont incompréhensiblement toujours, toujours sur la même longueur d'ondes. Quand il est tombé malade, quand elle a vu les larmes fières briller dans les prunelles de son père, Tea a tout de suite compris qu'on allait peut-être lui arracher son Vio d'amour. Elle a pleuré. Elle a hurlé. Elle s'est enfoncée dans le silence pendant des jours et des jours. Et puis, enfin, elle a accepté et a tout fait pour être forte, pour l'aider, le soutenir. Depuis la maladie de Vio, ils ont une relation très proche, presque fusionnelle. À la mort de leurs parents, quand ils sont allés à Vérone, après la perte de son enfant, ils ne se sont pas quittés, jamais, jamais, et Tea sait qu'il sera toujours là pour elle, derrière elle, à poser sa main sur son épaule ou à glisser ses doigts contre les siens. Flavio aimerait pouvoir mieux les aider, avoir pu mieux les aider mais Teodora le fait taire, à chaque fois. Il est malade, il doit se concentrer pour guérir, point barre. Flavio va de mieux en mieux, ces derniers mois, et tous les médecins qu'ils ont consulté sont très, très optimistes quant à sa condition. Tea en est ravie, mais elle reste méfiante. Elle s'attend à tout. #4 Alcide est son frère cadet de six ans. Il avait quatre ans quand Flavio est tombé malade, neuf quand leurs parents sont morts. Il n'a jamais compris, n'a jamais voulu comprendre. Pourquoi maman pleure? Pourquoi papa boit tant? Pourquoi Flavio peut pas jouer au foot avec nous? Toujours à poser des questions commençant par pourquoi alors que Tea... Tea ne savait pas quoi faire. Il est devenu son petit frère chéri, son fils à protéger contre tout. Quand ils ont emménagé chez leur grand-père lorsque Nevio a fui et que leurs parents sont morts, elle l'a aidé à faire ses études, finir ses devoirs, comprendre les bases de la vie... mais elle avait tant à faire, avec Zoe que les services sociaux menaçaient de prendre, avec l'argent à gérer, gagner, avec Flavio à rassurer... alors Alcide a commencé à faire sa vie seule. Au début, Tea était soulagée: si il s'occupait ailleurs, elle pouvait prendre soin des autres. Sauf quand ils ont emménagé à Vérone, où il a atteint l'âge ingrat de quinze ans et qu'il a commencé à traîner ses potes. Trop tard, trop loin, sans s'excuser. Ses notes chutaient, il faisait n'importe quoi, Tea le soupçonnait d'être mêlé de près ou de loin à des affaires de drogue... bref, grâce à l'arrivée de Nevio il y a peu, enfin, elle peut respirer un peu: Alcide est curieux, et admiratif de ce grand-frère qu'il a l'impression de mal connaître. Et enfin, elle peut se consacrer à quelque chose qu'elle a oublié depuis des années: elle-même. #5 Vincenzo est son ex petit-ami, sa première histoire sérieuse et celui qu'elle pensait être... quelqu'un de mieux. Ils ont eu une histoire plutôt compliquée, avec beaucoup de hauts, beaucoup de bas. Il l'a rencontrée alors qu'elle travaillait au cabaret, dansait pour récupérer un peu d'argent et il a été subjugué... au grand déplaisir de Tea, évidemment, qui pensait qu'il ne faisait que fantasmer et l'objectifiait sans pitié ni retenue. Mais au bout d'une énième invitation à prendre un verre, elle a accepté — aujourd'hui, elle dit encore que c'était la meilleure décision de sa vie, malgré tout. Elle l'a aimé, Vince, très fort et très longtemps: ils sont restés presque deux ans ensemble. Évidemment, ils n'ont pas fait que s'aimer: ils se sont disputés, parfois, se sont insultés, ont brisé des objets; et alors? à la fin de la journée, ils s'aimaient et Tea s'est même surprise à croire au grand amour à son contact. Sauf qu'en une soirée, leur vie commune a explosé. Tea a appris qu'elle était enceinte de lui le soir-même où il avait un accident de voiture, si bien qu'il n'a retourné aucun de ses appels; en parallèle, c'est son père à lui qui a appris en premier la nouvelle de sa grossesse... et l'a convaincue que Vince ne voudrait jamais en tendre parler, lui a offert un joli paquet d'euros et lui a dit de sortir de sa vie, pour toujours, et qu'il ne voulait aucune puttana, aucune pute dans le paysage parfait de sa famille parfaite. Le coeur brisé, Tea a accepté l'argent et est sortie de cette vie qui n'était jamais, pas même au départ, la sienne. Mais elle n'en a pas utilisé un sou. Elle n'en a parlé à personne, pas même à Flavio et encore aujourd'hui, elle regarde le joli chèque dans sa jolie enveloppe: elle ne l'utilisera que pour une seul et unique raison, si jamais son frère rechute et qu'il a besoin de soins encore plus onéreux. Mais avant cela, jamais, jamais elle ne touchera à quoique ce soit qu'un Del Vecchio. #6 Carmen est la seule amie qui a toujours été là pour elle. Au début, Tea ne pouvait pas s'empêcher d'être... envieuse, voilà. Elle accaparait toujours Nevio, était toujours avec lui, le lui volait, d'une certaine manière (même si sa relation avec son frère n'a jamais été semblable à celle qui liait Carmen et Nevio). Mais elle était une présence rassurante, habituelle, presque... presque comme une soeur, ou une cousine éloignée, qui est toujours dans les parages. Typiquement, à l'époque, Tea savait qu'elle pouvait appeler Carmen si elle avait un corps à enterrer. Sauf que voilà, elle a disparu de sa vie en même temps que Nevio, quand celui-ci s'est enfui après la mort de leurs parents. Et est revenue infester sa vie, Carmen, quand Tea avait dix-huit ans, pour lui dire d'emménager à Vérone auprès d'elle. Au début, Tea n'a pas voulu. Trop fière. Mais finalement, pour le bien de son frère Flavio qui aurait besoin d'un suivi médical en ville et pour la sanité de ses jeunes frère et soeur qui n'avaient jamais rien connu d'autre que la Sicile, elle a accepté. Carmen l'a aidée, au début, vraiment; elle l'a aidée à faire ses heures au Mcdonald's, l'a aidée à commencer ses études, à s'occuper d'Alcide et Zoe... bref. Elle a toujours été là pour elle, son support et son rempart, et Tea lui en est pour toujours reconnaissante. Aujourd'hui, Carmen est mariée et mène une vie dont Tea rêve. Son mari n'est personne d'autre que le supérieur de Tea et celui-ci l'adore. Carmen est son modèle, sa meilleure amie et un peu comme sa soeur. #7 Guiseppe est le père de Vincenzo, et le Diable en personne. Teodora connait les hommes comme ça, comme lui. Les hommes qui pensent tout contrôler, du bout de leurs chaussures vernies, avec leurs doigts bijoutés à excès et leurs dents trop blanches, leurs poches pleines de fric dégueulasse et leurs voix condescendantes et si suaves. Elle les connait et elle les déteste: quand elle a rencontré Vincenzo, elle a tout de suite su que Guiseppe ne l'accepterait jamais entièrement sous son toit, dans la vie de son fils. Mais elle a composé avec. Après tout, elle aimait Vince à en crever. Et elle a appris à apprécier Guiseppe, qui agissait avec toute la tendresse d'un père et la suaverie d'un homme sage; comment aurait-elle pu douter de lui? Le rêve s'est brisé quand elle l'a croisé à l'hôpital, en cet fatal soirée: il lui a annoncé que Vince ne voudrait jamais du bébé, ne voudrait jamais d'elle et puis? à quoi pensait-elle? débarquer dans leurs vies, tomber en cloque et escompter qu'ils payent pour elle? que Vince lui passe la bague au doigt? Tea a pu hurler à la trahison, au mensonge et à la diffamation, rien n'a fonctionné. Guiseppe l'a convaincu que Vince ne l'aimait pas assez pour ça, ne l'aimait pas tout court, qu'il n'avait que juste pris son pied avec elle, qu'il n'aurait jamais voulu... un enfant, un mariage, une vie. Alors Guiseppe lui a dit: prends ce tas de fric, avorte et n'invoque plus jamais le nom des Del Vecchio. Nous n'avons rien à t'offrir. Ça fait deux ans et encore aujourd'hui, Tea a l'impression d'avoir passé un pacte avec le Diable. Mais c'était ce qu'il fallait faire, n'est-ce pas? Et Tea fait toujours, toujours ce qu'il faut faire.  #8 Rosa est l'enfant qu'elle aurait du avoir. Elle l'a portée pendant cinq mois, là, juste là, dans son ventre. Elle aurait pu, aurait dû avorter: après tout, que faire d'un enfant à vingt-trois ans quand on a un si petit revenu? déjà tant de personnes desquelles s'occuper? Sauf qu'elle n'a pas pu s'y résoudre: c'était une vie, sous son nombril, une vie, une vie, une vie. Une vie qui a rebuté Vince. Très bien! Très bien! Elle s'en occuperait seul, Flavio l'aiderait, il le lui a promis... sauf qu'elle a perdu le bébé. À cause de ses carences multiples, à cause du fait qu'elle se négligeait parfois sans le savoir ou le vouloir, elle a perdu le bébé et a failli y passer elle-même. On lui a dit qu'elle n'aurait sans doute plus jamais l'occasion d'en avoir. Souillée à jamais, brisée, cassée en mille morceaux; maintenant, elle n'a plus qu'une tombe sur laquelle se recueillir en pensant à Rosa, sa petite Rosa. #9 Zoe est la soeur benjamine des Silvola, la cadette de Tea de neuf ans. Elle était encore dans le ventre de leur mère quand Flavio est tombé malade: mama Silvelo a failli la perdre à cause du stress engendré par les soudaines multiples visites chez des médecines plus défaitistes les uns que les autres... mais voilà, Zoe a survécu. C'est une survivante, une guerrière, une warrior: Teodora l'adore. C'est sa petite princesse, sa petite soeur: elle s'en est occupée comme sa fille dès qu'elle est née, a prévu tous ses besoins et toutes ses envies et quand leurs parents sont morts, alors que Zoe n'avait que cinq ans, c'est Tea qui a glissé sa main dans la sienne alors qu'ils prenaient tous la voiture pour rejoindre la maison de leur grand-père. Aujourd'hui, Zoe a dix-sept ans et elle va finir le lycée. Tea la considère presque comme sa fille, même si elle garde ce sentiment étrange pour elle-même. Elles sont extrêmement proches, Zoe étant très mature pour son âge, et Tea est incapable de rien lui cacher. Même si elles n'en parle pas, Zoe n'a qu'une envie: s'échapper de Vérone, laisser les Silvola derrière elle. Ce n'est pas qu'elle les aime pas, juste qu'elle a des ambitions plus grandes, plus glorieuses que devenir flic ou simple étudiante. Elle ne le leur a pas encore dit, mais elle compte bien partir d'Italie après le lycée. #10 Horatio est son petit-ami. Ça fait deux ans qu'ils se connaissent, un an et demi qu'ils sont ensemble. Horatio parle de destino, destinée quand il parle d'eux. Ils sont ce couple parfait, étrange et harmonieux, où tout semble bien aller. Et pourtant ils sont tellement différents! Lui tout feu tout flamme, animal social et impatient du regard des autres sur lui; et elle réservée et secrète, distante et parfois froide, privilégiant sa famille à autrui. Il se voit déjà lui passer la bague au doigt et finir sa vie avec elle et quant à elle, Tea... ne sait pas. Elle doute. Elle veut le bien de sa famille et elle a l'impression que parfois, Horatio l'entrave dans son désir de protéger les Silvola. Parce que lui, c'est un peu un égoïste, un égocentrique: il la veut pour lui tout seul. Mais Tea n'a jamais été toute seule. Elle a toujours été une Silvola avant d'être une Teodora.

#11 L'idole de Teodora est Beyoncé. Tea connait toutes les chansons, toutes les époques, toutes les paroles, tous les clips. Elle est au courant de tout à propos de son modèle, son idole, sa déesse, les potins et les faits vérifiés. Si il y a bien un plaisir que Tea ne se refuse pas, c'est écouter la musique de Queen Bey. Son rêve serait d'aller la voir en concert, mais elle n'arrive pas à se résoudre à être égoïste au point de s'acheter un billet pour la voir, et un billet de train ou de bus pour Rome, sans parler du logement, de la bouffe, de la merch... bref, rien que l'idée de la voir en vrai l'angoisse: elle n'a pas envie de privilégier une femme qu'elle n'a jamais connu à sa famille. Pour elle, Beyoncé est un modèle d'indépendance, de volonté et de force mais c'est aussi une figure lointaine et divine, impossible à comprendre et à voir de ses propres yeux. Un fantasme de réussite, donc. #12 On dit de Tea que c'est une femme de peu de mots. Elle a tendance à observer plutôt qu'à parler pour ne rien dire: elle a ce regard scrutateur, que beaucoup trouvent inquisiteur et dérangeant, qui instaure une distance entre elle et le reste du monde. Elle ne parle pas beaucoup, sauf quand il le faut, si bien que c'est très surprenant lorsqu'elle s'emporte et s'énerve: alors là, aucun moyen de la faire taire ou de tourner court à ses arguments, elle frappera, tuera, hurlera si il le faut. C'est une sorte de bombe à retardement, Tea, qui finit toujours par exploser à la tête de celui qui se fiche d'elle. Les situations qui l'énervent: quand on ne reconnait pas sa valeur, quand on refuse de lui dire qu'elle a raison (qu'elle ait raison ou non), quand on fait preuve de sexisme, quand on critique Beyoncé sans raison et quand on l'empêche de faire ce qu'elle désire. Au fond, Tea est un esprit libre. #13 La tombe est minimale. C'est de la terre retournée et quelques fleurs qui y poussent tentativement, difficilement. Tea la visite tous les ans, pendant un week-end qu'elle passe en Sicile, en tête-à-tête avec son grand-père: c'est son week-end de faiblesse égoïste, dit-elle à ses frères et soeur en s'excusant; mais ceux-ci ne lui en veulent jamais. C'est une tombe pour enfant. Pas de nom, pas de date, pas d'épitaphe, rien: juste une croix composée par deux morceaux de bois, de la terre retournée et des fleurs timides au fin fond du jardin de la maison de ses grands-parents sous le cruel soleil sicilien. Tea ne pleure jamais, devant la tombe. Ses yeux restent secs, comme son coeur. Elle la regarde pendant des heures puis retourne à la maison, boit un peu de la limonade de son grand-père, fait une partie de Scrabble avec lui. Mais qu'elle pleure ou pas devant la tombe, cet enfant mort-né la suit partout, s'accroche à sa peau et envahit ses pensées à la moindre occasion. #14 Habituée aux privations et aux carences, Tea a aujourd'hui une relation plus que compliquée avec la nourriture. Elle a du mal à s'acheter autre chose que les entrées de marque, a un appétit d'oiseau et saute souvent les repas: à défaut d'appétit ou de temps, elle ne répond jamais à la question. Mais elle est devenue experte dans l'art de ne pas se faire remarquer, de faire semblant de manger et d'apprécier la nourriture: personne ne se doute de rien, et ce n'est pas pour cause de manque de curiosité ou d'affection. Elle ne veut inquiéter personne, Tea, c'est tout, et juste s'assurer que les assiettes de ses frères et soeur sont bien remplies. Toutefois, son emploi requiert d'elle une santé à toute épreuve alors quand elle se permet un repas complet — minimum tous les deux jours —, il est hyper-protéiné et sucré, comme pour compenser. Elle a aussi des périodes — très rares — de boulimie intense où elle ne peut s'empêcher de s'empiffrer jusqu'à se faire exploser le bide. #15 Tea est une dingue des sensations fortes et de la prise de danger: rien de telle pour la faire rire comme une dingue, pour lui arracher les sourires si rares qui apparaissent sur son visage. Quand elle sortait avec Vince, même quand elle regrettait ses prises de danger idiotes, elle adorait quand il conduisait trop vite sa voiture, elle adorait quand il posait sa main sur sa cuisse avec l'autre sur le volant, elle adorait ouvrir les fenêtres et laisser le vent fouetter ses cheveux. Elle adorerait faire du saut à l'élastique ou en parachute, par exemple. Évidemment, dans la vie de tous les jours, Tea ne prend pas ce genre de risque — instinct de préservation — mais la simple idée de transformer le sang dans ses veines en feu lui arrache des sourires incertains et sincères. #16 Tea déteste tout ce qui est addictif. Elle a vu son père sombrer dans l'alcool, elle l'a vu frapper Nevio, elle l'a vu devenir l'ombre de lui-même. L'alcool, la drogue, le reste: tout ça, très peu pour elle et c'est vraiment l'une des seules choses qui lui fait vraiment peur dans la vie. Ça ne l'empêche pas, pourtant, d'être complètement addict à la peau de son petit ami Horatio et d'être complètement addict à la routine. Ça l'agace et ça l'angoisse, quand quelque chose débarque dans ses plans et ses horaires et son quotidien et quand quelque chose réduit tout à néant. Tea aime bien avoir son café le matin, son jogging matinal, sa douche, elle aime bien aller ici manger chaque jour, parler de ceci avec untel chaque jour, faire ceci ou cela chaque semaine. Tous les dimanches, on appelle papy et on va à l'église (elle y traîne toujours Alcide et Zoe de force, même si ça fait longtemps qu'ils se sont désintéressés du bon Dieu; Flavio, quant à lui, y a toujours dédié une indifférence amère); tous les premiers mardi du mois, on profite de la réduction deux pour le prix d'une à Domino's Pizza; on prend toujours un café au Starbuck's quand on sort d'un rendez-vous chez l'oconlogue et on n'oublie jamais de se regarder une dernière fois dans le miroir avant de sortir. Toutes ces petites habitudes rythment la vie de Tea et la rendent presque... supportable. #17 Tea n'a qu'une faiblesse: les jeux de hasard. Elle s'autorise quelques cinq euros toutes les deux semaines à dépenser en conneries: jeux à gratter, billets de loto et autres paris stupides. Elle n'en parle à personne, c'est son péché mignon et sa plus grande honte (et comme ils savent que ça la mortifiera et la traumatiserait qu'ils lui en parlent, ses frères et soeur font mine de ne pas savoir son étrange amour du hasard). Elle espère toujours gagner, elle espère toujours toucher le pactole, elle espère toujours ceci ou cela... en vain. Mais toutes les deux semaines, c'est la même chose: elle prend son billet, se rend dans le bar-tabac le plus proche et achète de nouvelles combinaisons de nombres, de nouveaux papiers à gratter. Ça la détend un peu, à vrai dire. Dans la catégorie jeu, aussi, Tea est incapable de ne pas relever un défi ou de ne pas suivre un pari: elle déteste, plus que tout, perdre la face ou perdre tout court. Elle a un esprit de compétition plutôt effrayant et un orgueil à toute épreuve.#18 Tea chante. Souvent. Tout le temps. Sous la douche, en cuisinant, en nettoyant, en rangeant. (Surtout du Beyoncé, si vous voulez tout savoir). Elle chante plutôt bien, à vrai dire, mais est sans doute trop embarassée ou timide pour se laisser aller à ce passe-temps (sa soeur, pourtant, lui a dit qu'elle pourrait tellement déchirer à X-Factor alors que son frère Alcide essaie toujours de la traîner dans des soirées karaoké glauques). Elle chante plus pour elle-même que pour autrui, toujours à mi-voix, perdue dans ses pensées. Elle ne supporte pas trop le regard des autres quand les paroles s'échouent sur ses lèvres. #19 Tea a toujours essayé de joindre les deux bouts et s'est mise à travailler pour faire rentrer de l'argent dès ses quinze ans, quand ses parents sont morts et qu'ils (Flavio, Alcide, Zoe et elle) sont allés vivre chez leur grand-père dans la campagne sicilienne. Prenant des cours par correspondance pour passer le lycée, elle s'occupait de ses frères et soeurs et pendant son temps libre, donnait des cours de mathématiques et de sciences à d'autres étudiants du village le plus proche, tondait les gazons, nettoyait les voitures, arrosait les plantes, aidait à la récolte des grappes de raisin utilisées dans la région où ils habitaient pour faire le vin... bref, elle faisait comme elle pouvait. Ils ont tous les quatre déménagés à Vérone quand Tea avait dix-huit ans, quittant un foyer distant et froid où un grand-père desséché et coincé ne faisait que trop peu attention à eux. Elle a commencé des études de droit et en parallèle, travaillait dans un fast-food et faisait des heures dans un petit bar au fin fond de la ville. Après avoir été virée pour la fois de trop, elle a été engagée dans un cabaret. Et ça a été dur. À cause de sa fierté et à cause du regard des autres, ça a été dur. Mais ça payait bien, mieux, et elle a pu offrir une paire de lunettes passable à Alcide, a pu changer la garde-robe de Zoe, permettre à Flavio le luxe d'un lit pour lui tout seul dans le petit appartemment qu'ils partageaient... bref. C'est là qu'elle a rencontré Vince. Grâce à lui, ensuite, elle est devenue marraine d'abstinence pour fils de riche, et elle a un peu mis ses études de côté pour se dédier à ça... après leur séparation, elle est rentrée en école de police. Tout ça pour dire que Tea a fait pas mal de trucs, dans sa courte vie, et qu'elle trouve que c'est... formateur. La vie ne s'arrête pas, pour personne, et elle le sait. Et elle est prête à se battre, à tout faire, pour que demain soit mieux qu'hier. #20 Avant que la maladie de Flavio ne détruise leur famille, Tea adorait lire. Elle le faisait tout le temps. La princesse dans son monde de bouquins, disaient-ils tous. Elle était une gamine comme les autres: rêveuse et enthousiaste, joyeuse et bavarde, insouciante, toujours collée aux basques de ses frère aînée, toujours à veiller sur Alcide de six ans son cadet. Elle aimait les sciences, elle aimait regarder la télévision et elle aimer apprendre les chorégraphies de Beyoncé avec Flavio. Et puis tout le monde leur a dit qu'il était malade, qu'il allait peut-être mourir; et c'était le début de la fin. Au début, Tea s'est enfoncée dans ses bouquins, dans ses histoires, dans ses mots; elle n'a pas décoché un mot pendant des semaines, une fois, quand Flavio a failli y passer à l'hôpital. C'était toujours les mêmes livres: Harry Potter, surtout, et autres romans fantastiques aux mondes plus céments. Après, elle a dû s'occuper de sa famille et elle a un peu arrêté. Aujourd'hui, elle se surprend à respirer plus facilement, maintenant qu'ils sont tous plus grands, plus responsables, et elle retombe peu à peu dans sa passion littéraire. Elle lit de tout, surtout des policiers, et elle adore ça. Elle aimerait écrire à son tour, un jour, mais n'est pas sûre d'avoir du talent. #21 Clairement, la vie n'a pas été clémente avec Tea. Mais elle avance. Elle ne s'arrête jamais: c'est une machine de guerre en marche, Tea, c'est un ouragan, c'est une tornade. Elle avance et ne regarde jamais en arrière; si elle jette un coup d'oeil par-dessus son épaule, elle se perdra et elle le sait.

Type de personnage : inventé

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